[ une entente franco-russe passée sous les radars…]
Ok, le titre de l’article laisse songeur. On va tout vous expliquer. En supposant que Pierre Quéméner avait rendez-vous au 150, avenue du Maine, il aurait pu croiser un certain comte russe, Hilarion Worontzoff-Daschkoff. Le nom du comte n’est jamais apparu dans notre feuilleton, preuve que la communication entre la Sûreté et la justice n’était pas fluide et que nos experts actuels s’épuisent trop sur le dossier d’instruction. Le binôme des frères Vacquié, jamais à court d’idées, travaillait d’arrache-pied avec un relationnel redoutable. Lorsqu’on dresse la liste des associés et administrateurs des différentes sociétés, on est stupéfait, gradés de l’armée, décorés de la légion d’honneur, responsables de banque… seuls les démarcheurs semblaient dans le besoin.
Lorsque la Banque Privée Coloniale démarchait les pigeons sur le Finistère, elle proposait, entre autres, des actions/obligations de la société “Les Moulins de Montgeroult”. Cette société faisait suite à la cession de la propriété par l’exploitant, M. Mahieu. Mais le but des nouveaux “meuniers”, dès le départ, n’était pas de moudre le blé mais plutôt d’en faire en inondant le marché de papier financier sans grande valeur mais vendu bien cher souvent en échange d’Obligations d’Etat. Une arnaque classique pratiquée efficacement par Gaston et Aymard. L’affaire tourna court et on sait ce qu’il advint de la Banque de Vacquié. Comble de l’histoire, le directeur de l’agence de Brest déménagera sur Angers et passera des annonces dans la presse en demandant aux malheureux pigeons de prendre contact avec lui car il mettait sur pied un comité de défense des personnes arnaquées… ça ne s’invente pas. On aura l’occasion de revenir sur les pérégrinations du responsable zélé de l’agence de Brest.
Et le comte russe ?… on y arrive. Il faisait partie des relations du camarade Gaston et on les trouve associés dans deux sociétés : Les Moulins de Mongeroult d’une part et Le Casino de Valras-Plage d’autre part. Dans les deux cas, la faillite intervint peu de temps après la création. Souvent le capital de ce type de Société était basé sur du vent, on valorisait des projets, des études, des prévisions fantaisistes de chiffre d’affaires… et on tirait le rideau lorsque les souscripteurs commençaient à faire le pied de grue, réclamant leur mise de départ. Le casino de Valras-Plage ne renaîtra pas de ses cendres par l’action des deux co-associés “dynamiques”. Après diverses péripéties et des travaux conséquents, le tout nouveau casino rouvrira au début des années 1930.
Vacquié demeurait à Meudon, ce secteur de la banlieue sud de Paris fut “colonisé” par des émigrés russes après la révolution de 1917. Rien de plus naturel pour notre escroc de s’intéresser aux familles aisées du Caucase venues avec quelque menue monnaie et qui tissèrent rapidement des relations dans les beaux quartiers parisiens et sur la côte basque.
Pas de frasques connues du comte Hilarion, aurait-il pu être impliqué dans un quelconque trafic de Cadillacs en direction des nouveaux maîtres de Russie ? Mystère, mais nous savons par contre qu’avec Vacquié tout était possible. Faute d’élément tangible, l’hypothèse d’un réel trafic de Cadillacs ne nous paraît pas très convaincante, mais que cela ait pu constituer un leurre avec participation de nos deux zèbres ne paraît pas inconcevable… Le dossier Vacquié consultable aux Archives Nationales dans le fonds Moscou contient peu de pièces, certaines mentionnent bien Hilarion Worontzow-Daschkov, associé de Jean Gaston Vacquié.
Vacquié, à Meudon, loue une maison au 44, boulevard des deux Gares, parfois nommée Villa Linda. Elle appartenait à un dentiste installé à Paris, dans le 16e. Grâce à la “générosité” supposée du camarade Gaston, cette maison servit également de domicile parisien, lors de ses déplacements, à Boris Savinkov et à sa compagne Eugénie (pour Boris, un curriculum vitæ long comme le bras, mais interrompu brutalement en 1925 dans une geôle moscovite.)
(documents : BN/presse ancienne)







Sur le papier nous avons le nom d’un comte russe. Si nous nous fions aux explications de Pierre Quéméneur lui-même à Gabriel Saleun, ce n’est pas un comte russe que nous devons chercher mais un américain grand teint…ou teinté. Mais qui aurait montré au Conseiller général de Sizun des papiers donnant toute garantie. Dans le dossier il y a plusieurs exemplaires de la papeterie de la chambre du commerce américaine à Paris. Un escroc n’aurait pas eu de mal à tromper nos bretons avec un timbre humide ressemblant vaguement au logo imprimé de la prestigieuse chambre américaine. Cet escroc là ressemblerait plus à un Turrou, pas très net en 1923, qu’à un comte russe. Bon! Néanmoins Vacquié n’est pas inconnu en Russie !
Et si on essayait un temps de faire abstraction du témoignage de Salaun donc des dires supposés de Quéméner, et aussi de celui de Petit-Guillaume, cela nous aiderait à sortir des analyses maintes fois déclinées sur le trafic des cadillacs, les dollars-or, le voyage à Paris, la vente de Plourivo…
On peut…
On sort de l’affaire et on verse dans une forme de documentaire autour de l’affaire.
Pourquoi pas?
… affaire ou documentaire, comme vous voulez, si par “affaire” vous entendez résolution de l’interrogation sur le coupable, je crains que dans cent ans on y soit encore (nous, c’est pas sûr !!) – cela vaut pour Pierre et Seznec.
A propos de témoignages, j’ai lu, de la plume d’un “expert”, qu’il considérait tout témoignage comme exact à partir du moment où rien ni personne démontrait qu’il était faux… et c’était au sujet de Salaun et de Petit-Guillaume… mieux vaut en rire !
J’aimerais bien savoir ce qui vous fait douter du témoignage de Saleun ( c’est comme ça que son nom est orthographié dans les PV de ses dépositions.)
Mais on ne va pas ergoter.
Lorsqu’un témoignage est invérifiable, en douter est une affaire de bon sens.
Salaun au lieu de Saleun est plus courant, vous l’écrivez ainsi parfois.
Bonjour à vous…
Houdan/Meudon = 55 km.
J’ai toujours eu en tête 2 solutions pour la disparition de Pierre Quémeneur :
– Soit Guillaume Seznec l’a tué dans une colère…
– Soit il l’a emmené à un rendez-vous avec un autre quidam.
Le rendez-vous s’est mal passé. Et Seznec est rentré seul sur Morlaix avec menaces sur sa famille et sur ses biens si jamais il l’ouvrait.
P.S. En tant que conseiller général, Pierre Quémeneur n’a JAMAIS participé à une commission sur l’attribution des stocks.
Vous avez raison les témoignages humains sont sujets à caution, comme par exemple celui des Jeangirard qui mettent une heure pour dîner ou celui de cette serveuse qui dit terminer habituellement son service à 21h et aurait vu nos deux voyageurs partir à 22h 30. C’est sûrement la patte de la brigade du Tigre.
Ma curiosité est piquée par l’adresse que vous nous donnez de l’équipe Vacquié à Meudon. Si c’était avec ces gens là que Tonton Pierre avait rendez-vous, soit ils auraient pu venir le récupérer à Houdan, soit Tonton Guillaume l’ aurait conduit chez eux nuitamment. Ça ressemblerait, d’assez loin, aux confidences de Guillaume Seznec à Jacques Marestet dans le brouillard de ses dernières heures de vie.
Si le fait de laisser passer les deux messages qui précèdent l’un à la suite de l’autre peut aider à un peu de sérénité, ce sera toujours ça d’pris !.. prions !
Pour le reste, l’affaire ne se résume pas à la halte à Houdan, cent ans qu’on dissèque les horaires, la météo locale, Seznec bougon ou pas au restaurant… il est grand temps de changer de crèmerie. Un détour par Meudon pour nos deux voyageurs semble inenvisageable.
Le témoignage de Saleun a été corroboré par deux collègues dont le directeur de la Banque Bretonne.
Ce qui est troublant c’est ce rendez-vous Avenue du Maine qui donne à penser que la BPC n’était pas étrangère à l’affaire. Sauf si le rendez-vous de Quéméneur n’avait rien à voir avec la vente de la Cadillac mais plutôt avec un poste de directeur d’agence BPC au Havre. Il l’aurait joué solo pendant que Seznec s’escrimait à récupérer des fonds sur la Cadillac. Quéméneur était soit cachottier, soit moins motivé qu’il le paraissait. Il y a des lettres dans le dossier, concernant des recherches de Cadillac, mais dans ses carnets il est discret sur l’affaire. C’est vrai que Ker-Abri a été expurgée de tout document compromettant avant la perquisition du 29 juin! Il y a deux volets dans cette affaire : les Cadillac et le poste de directeur d’agence. Les deux étaient-t-ils liés ?
N’empêche que si c’était avec Gaston Vacquié que Pierre Quéméneur avait rendez-vous le 26 au matin, il aurait pu faire appel à lui depuis le Plat d’Etain pour venir le récupérer en voiture faute de train.
Contrairement à Turrou il y a une trace de Vacquié dans le dossier grâce à André Descimon. Côté Turrou on peut en effet le reconnaître dans les témoignages de Saleun et ses collègues, Legrand, et Seznec lui-même. Mais en filigrane. Moi je crois, parce que Seznec l’a dit, que le personnage que Quémeneur devait rencontrer le 26 au matin devait lui présenter quelqu’un de plus important. Peut-être un commanditaire, genre Turrou. Il y aurait eu un lien entre la BPC et l’affaire des Cadillac. Mais mettre dans le même sac un comte russe et un Turrou,contact de la GPU, est quand même assez curieux !!!
Chercher à tout expliquer en essayant de mettre bout à bout tous les éléments de l’enquête, des commentateurs, des chercheurs déclarés ou non… n’est pas une mince affaire. Aucune des hypothèses ne fait l’unanimité, concernant la dernière on attend vainement la preuve, la vraie, celle qui clôt le débat… et on n’y est pas.