… et si on élargissait le sujet ?

[préambule : de nouveau, les échanges par claviers interposés deviennent délicats. Question actualité,  l’Affaire Seznec n’est pas en reste et a également son guide suprême qui veille sur une bonne tenue des débats. Problème cependant, cela conduit au néant, le dénigrement et la calomnie ne menant à rien de bon, ici comme ailleurs. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer le sujet, en vain, je m’abstiendrai donc d’en rajouter. ]

Plus de cent ans après les faits, rien ne permet de prouver la culpabilité de Louis Pierre et de Guillaume Seznec, leur innocence non plus rajouterons certains. A ce jour, aucune hypothèse crédible pouvant lever les doutes ne tient la corde. On en est encore à discuter des horaires de trains, de bateaux, de marées et des problèmes de vue des témoins. Alors, comment renouveler le genre, comment sortir des commissions rogatoires, des pv d’audition, des dossiers d’enquêtes… ? Peut-être en allant voir ailleurs… sous le tapis, en étant curieux de tout et surtout, en évitant tout avis péremptoire asséné sans preuve. Le doute, à ce stade, est plus qu’une qualité, une obligation.

Les instructions des deux affaires ont été bien verrouillées dès le départ, comme sans doute d’autres de l’époque. Dire qu’elles ont été bien menées est pour le moins osé, passons. Les exemples qui prouvent le contraire sont nombreux. Ci-dessous, nous prendrons un premier exemple qui, curieusement, a échappé à tous les commentateurs et dont l’évidence ne nécessitait pas  un déplacement à Washington ou Moscou pour consultation d’archives secrètes.

La Banque Privée Coloniale  : il s’agit d’une des nombreuses sociétés-bidon créées par “l’entrepreneur” Jean Maximin Gaston Vacquié. Elle est celle qui concerne le plus l’Affaire Seznec, puisque Pierre Quéméner, selon l’enquête, était pressenti pour prendre la direction d’une de ses agences.
A sa création, la publicité légale paraît dans La Dépêche de Brest et nous donne les détails de ses statuts. On peut y lire que son capital de départ se constitue en partie de la reprise de la Banque Nationale de l’Ouest, créée à Landerneau par Jean Besseyre des Horts. Premier problème, Jean “le banquier” existe bien mais la banque est le fruit de son imagination. En fait, cela sert uniquement à crédibiliser la nouvelle banque. Celle-ci prend ses quartiers au 7, rue de l’Amiral Linois, à Brest. soit à deux pas de l’annexe de la blanchisserie Seznec située au 3.
A sa création, sont nommés administrateurs : Gaston Vacquié, Jean Besseyre des Horts, Emile Clet et Henri Blond.
Attardons-nous un instant sur le camarade Blond. Henri naît en mars 1892 à Paris XVe, son père, Alphonse, se déclare comme comptable. Vacquié intéresse Blond à nombre de ses sociétés éphémères. Les déboires et les ennuis successifs de Vacquié  incitent Blond à se mettre au vert. On le retrouve ainsi du côté de Toulouse en 1926, mais le fait de côtoyer l’ami Vacquié lui ayant sans doute donné de mauvaises habitudes, il se laisse aller à la facilité et à la banale escroquerie. Et le voilà qui réapparaît indirectement dans le Finistère, du côté de Saint Pol de Léon, en affaires douteuses une nouvelle fois avec un certain Lavigne.
Jusque là, rien de palpitant, avec Vacquié et les personnages de son réseau il y a de quoi écrire quelques chapitres. Mais pour se rendre compte de l’imbrication des pièces du puzzle et de tenter des explications relatives à la mansuétude apparente de la justice à son égard, il est utile de prendre son temps et de rapprocher patiemment les éléments.
Dans le cas présent, au moment où Vacquié fait feu de tout bois et implique Blond dans ses affaires mirobolantes, ce dernier demeure à une adresse bien particulière, à Saint Martin de Ré, au centre des forçats par lequel a transité Guillaume Seznec. Habituellement, on n’y réside pas par hasard, alors, quel délit en ce qui le concerne  ?  Aucun, c’est uniquement pour raison familiale, Henri est tout simplement le fils d’Alphonse, le directeur du centre pénitentiaire.
Très fort, trop fort… le gars Vacquié… on en reparle sous peu.

… sur sa fiche matricule (ci-dessous), c’est bien Saint Martin de Ré qui est mentionnée – sur son acte de mariage, il est résident au 3/5 rue Vandamme (adresse souvent mentionnée dans les activités diverses de l’équipe dynamique de Gaston)

 

6 thoughts on “… et si on élargissait le sujet ?

  1. ASD says:

    La BPC à Brest à partir de quelle date ? 7, rue de l’amiral Linois, à 4 N° de la blanchisserie Seznec. OK.
    En 1923 le fond de commerce de la blanchisserie était vendu depuis 3ou 4 ans . C’est vrai que les murs appartenaient toujours à Seznec et que le maire de Saint Pierre le tannait pour qu’il clôture sa propriété. De là à imaginer que c’est à Vacquié que Seznec a ” vendu ” ses dollars, de là à supposer que Seznec connaissait Me Gautier, de là à se dire, mais c’est bien sûr, c’est Seznec qui connaissait la BPC, et qui a entraîné Quéméneur dans une affaire dont il n’est pas sorti vivant. Ce n’est pas ce que vous avez écrit, on est bien d’accord. N’empêche que ça éclairerait l’affaire, tout au moins ça la rendrait moins mystérieuse.

    • seznek says:

      L’incendie de la buanderie de Saint Pierre date de 1921, en conséquence l’adresse de dépôt de linge rue Amiral Linois n’est plus d’actualité au moment de l’installation de la BPC (officiellement au 1er mars 1923). Concernant les dollars-or, malgré des efforts inconsidérés je n’arrive vraiment pas à y croire. Seznec connaissait-il Gautier ? Je n’ai pas la réponse, mais par tel ou télégramme il était joignable facilement. Seznec connaissait la BPC et en avait parlé à Quéméner ? Possible mais je n’en sais rien.
      Dans le dossier d’assise que vous avez consulté à Quimper, avez-vous vu une liste exhaustive des témoins ? (c’est souvent le cas dans de tels dossiers).
      (peiné pour l’arrêt de votre blog, temporaire j’espère)

  2. Loïc de Nantois says:

    Bonsoir cher Monsieur
    Ravi, vous pouviez vous en douter, que vous repreniez un examen de la piste BPC, je me suis penché sur vos recherches sur Leblond. Mais je serai très intéressé de savoir quelle est votre référence pour la direction du pénitencier de Saint-Martin-de-Ré pour le père d’Henri Blond, Alphonse Blond.
    Après une journée de recherches, je n’ai trouvé que ceci à travers Gallica, Retronews, Geneanet et MyHéritage :
    En 1902, il est instituteur à la prison de Poissy,
    En 1906, il produit un rapport sur l’enseignement dans les prisons de femmes à Madagascar
    En 1908, il instituteur et sous-directeur de la Petite Roquette.
    En 1912, toujours à la Petite Roquette, il est décoré des palmes académiques
    En 1921, il est Directeur de l’Ecole de Préservation à Doullens
    En 1926, il est admis à la retraite.
    En 1936, il habite Paris et est « employé » du Moniteur, comme son fils Henri qui habite lui aussi Paris.
    Je n’ai trouvé comme référence à Saint Martin de Ré que l’emploi d’une domestique (à Doullens) qui y est née.
    Je n’ai rien trouvé de plus sinon cette affirmation de Monsieur Thierry LeFebvre qui le dit directeur de Saint-Marti-de-Ré dans son site Généanet, mais il ne donne pas de référence.
    Pour ma part, je ne pense pas que le Henri Blond, associé à Vacquié soit le fils de cet Alphonse Blond. Mais tout est possible…
    Cela dit, j’espère que vous nous raconterez la vie mouvementée de ce compagnon d’ Alphonse-Henri Blond, l’incroyable Davach de Thèze qui, par bien des côtés, se rapproche d’Edouard d’Alton.

    Skeptikos

    • seznek says:

      Merci pour vos infos, il n’y a pas d’erreur sur la personne, mais je reconnais qu’il faut se pincer pour y croire. En son genre Gaston Vacquié est un esthète avec un culot monstre, un bon carnet d’adresses et une probablement une protection pas facile à cerner.
      Son père Alphonse est directeur de Saint Martin de Ré après la Petite Roquette, inspecteur de la pénitentiaire sur le secteur Angoulême ensuite, puis muté à Doullens.

      • Loïc de Nantois says:

        J’avais retrouvé son registre matricule hier soir aux AD de la Rochelle mais étais toujours dans le doute, étant donné qu’il n’y est porté aucune condamnation. J’avais négligé de lire son acte de mariage….
        J’ai hâte de vous lire pour la suite.

        Skeptikos

        • seznek says:

          … les fiches matricules ne sont pas toujours mises à jour, administration fautive ou pression extérieure pour zapper ce qui dérange ? – toujours est-il que le croisement des sources est indispensable, le témoignage de Petit-Guillaume est à lui tout seul un cas d’école.

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