une histoire de rade : dame Berthe embrouille Hervé, Bal et Denis Seznec

Du Tambour au Canon de la Marne

Trois auteurs évoquent ces deux bistrots tenus par Mme Masson (connue sous le nom de Berthe Rallu) : le juge Hervé, Claude Bal et Denis Seznec, le dernier “pompant” allègrement ceux qui le précèdent, sans scrupules et surtout sans vérifier le bien-fondé de leurs  affirmations.

Dans le cas présent, intéressons-nous au déménagement de dame Berthe, de l’avenue La Bourdonnais (à Paris) aux bords de la Marne à Chelles.

Voyons ce que nous en dit Claude Bal (“Seznec était innocent“, pp 220-221) :

“Comme, depuis lors, personne n’a plus jamais rencontré Quemeneur, celui-ci a vraisemblablement été assassiné fin mai 1923… Or, à ce moment précis, Berthe est prise d”une envie soudaine de déménager!… M. Moreau lui demande alors de fixer la date à laquelle il pourra disposer des lieux. Tout de suite répondit-elle. L’air de Paris, soudain, ne lui convient plu! Elle en a assez de ce maudit café… M. Moreau saisit l’occasion… Il offre quelques jours de délai à Berthe pour déménager. inutile : Berthe veut partir sur le champ. L’accord est signé le 1er juin (enregistrement, Service des cessions, Hôtel des Finances, Paris)… Donc, Berthe s’installe à Chelles”

Puis, lisons la “reprise” de l’évènement dans “Nous les Seznec“, par Denis Seznec (p. 359) :

“Hervé… met en évidence une coïncidence troublante : le 1er juin 1923, c’est-à-dire peu de temps après la disparition de Quemeneur, la tenancière du Tambour, Berthe Rallu, a vendu son café et est allée s”installer à Chelles…”

Pour nos trois enquêteurs du dimanche (les deux premiers servant de béquilles au troisième), le lien entre la disparition de Quéméneur et la cession du Tambour semble évident.

Et si on prenait le temps de regarder de plus près l’historique de cette cession (il s’agit du fonds et non des murs, Mme Masson étant locataire). Le document administratif précité, daté du 1er juin 1923, correspond bien à la reprise de l’établissement tenu par Mme Masson, par M. Moreau. Remontons quelques années en arrière, plus précisément à l’année 1911. Cette année-là, Alphonse Georges Louis Rallu (né en 1879, à Paris), époux de Marie Henriette Félicité Masson (née en 1879, en Ardèche), acquiert le café Le Tambour – en janvier 1920, le couple Rallu/Masson divorce. En avril 1921, la communauté de biens est dissoute et le fonds de commerce est attribué à l’ex-épouse – la déclaration à la préfecture de police est faite dans le mois qui suit.

En janvier 1923 (acte sous seing privé et enregistrement), la dame Masson vend son établissement à Marcel Gaston Moreau et à son épouse Marthe Clémentine Ernestine Lavisse – la prise de possession précisée sur l’acte étant le 1er juin 1923.

Ces renseignements qui balaient l’idée d’une relation de cause à effet entre la disparition de Pierre Quéméner et le départ de dame Berthe, Claude Bal ne pouvait les ignorer, de même que Denis Seznec, pour la simple raison qu’ils sont au dossier. Donc, désormais, lorsqu’en conférence vous entendrez notre conférencier hexagonal évoquer le départ soudain et “contraint” de dame Berthe, de Paris pour Chelles, vous pourrez considérer qu’il s’agit ni plus ni moins d’un gros mensonge… un de plus, ironiserons certains.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error: Content is protected !!