[article remplacé par celui publié le 18/10/2013 – gardé pour archivage]
L’ouvrage de Denis Seznec, maintes fois réédité, est considéré comme l’ouvrage de référence sur l’affaire – soit. Dans “l’Avertissement” qui présente le livre ne lit-on pas : “S’ils y avaient décelé la moindre inexactitude, les hauts magistrats n’auraient pas hésité, en effet, à le faire savoir” ? Cette interrogation est une sorte de défi lancé au lecteur, essayons donc de le relever.
Notre édition de travail est celle de 2006, nous serons amenés à faire des rapprochements avec d’autres éditions qui sur certains points comportent des nuances.
Pointons au chapitre “Le Dossier” (p.67) – [la première partie n’ayant pas trait à l’affaire elle-même]
p. 69 : “… La scierie est une entreprise prospère ” “… “Donc, en cette année 1923, tout va plutôt bien pour les Seznec“
Réalité ou fiction ? – à vous de juger…
Si l’on s’en tient à la déclaration de dépôt de bilan présentée par Maître Belz, on peut en déduire que la situation est plutôt satisfaisante et que ce dépôt de bilan est plutôt tactique (éviter d’urgence la saisie mobilière effective, relative à l’affaire Caillet). Pour autant cela n’aide en rien à la trésorerie de la scierie et de la famille. Aucun élément ne vient étayer le constat d’une quelconque prospérité, tout vient plutôt renforcer l’idée que Guillaume Seznec est en proie aux difficultés financières accentuées par un bon nombre de procédures judiciaires en cours ou qui se sont soldées par un jugement à son désavantage.
Examinons de plus près les éléments. M° Belz, liquidateur nommé en juillet 23, remet un inventaire en février 1924. L’actif est (sur)évalué à 300 000 francs, le passif (sous)évalué à 260 000 francs. Peu avant, la régularisation de créances urgentes a nécessité la vente de biens (marchandises, chevaux, charrette) pour 17 000 francs. Ce bilan qui dégage un résultat positif est un leurre, tant le compte d’exploitation est déséquilibré : l’en-cours de règlements/clients est inexistant, la situation bancaire n’apparaît pas… Guillaume Seznec n’a aucune trésorerie, il jongle au jour le jour pour payer ses salariés, ses fournisseurs… rien à voir avec une entreprise prospère.
Côté litiges, procédures, dettes diverses… qu’en est-il ? :
– 1921 : divers jugements (4) pour somme globale de 12 000 francs
– 1922 : 1 200 francs contre Tréal……..23 000 francs contre marquis de Lescoët
– 1923 : 15 600 frans contre Caillet
– ………. affaires Souêtre, Crédit Nantais, Cie Gle d’Assurances
– dettes envers Angèle Labigou (la bonne), Samson (le chauffeur), Bergamasco, Le Grand, Le Bail, Fleuriot, Léon, Pouliquen (Relecq-Kerhuon), Paul
Cette liste non exhaustive montre qu’en mai 1923, Guillaume Seznec se débat dans diverses affaires judiciaires – avocats, juges, huissiers sont ses interlocuteurs quotidiens… en fait, tout va plutôt mal pour la famille Seznec.
Dans les semaines qui suivent la publication de la publicité légale concernant la liquidation judiciaire, les créanciers se manifestent – ils seront finalement 50 à présenter leur créance à Maître Belz.
p. 73 : “Avec la vente de la petite ferme et le douaire de Marie-Jeanne, ils achètent un commerce sur la place de Plomodiern, en face de l’église. Vente et réparation de vélos...”
Approximatif. La maison de la place est achetée en janvier 1909 aux beaux-parents de Guillaume (famille Marc) – ce n’est pas dans cette maison que Guillaume démarre son activité-cycles, mais dans une maison mitoyenne, qui, 3 mois avant cet achat, fut ravagée par un incendie démarré dans une grange attenante. D’autre part, il y a une erreur de chronologie par rapport au fait suivant évoqué dans l’ouvrage.
p. 73 : “Guillaume doit effectuer une période militaire de vingt-huit jours à Brest. C’est là qu’il reçoit un télégramme lui annonçant que sa femme vient d’accoucher. Marie est née… L’heureux père se précipite mais loupe le dernier train. il emprunte une bicyclette et effectue soixante-douze kilomètres à travers les monts d’Arrée. Il n’est pas arrivé que, loin, des contreforts du Menez-Hom, il aperçoit un incendie dans Plomodiern : c’est la grange voisine de chez lui qui flambe.“
Epique mais inexact. L’auteur nous donne ici une variante par rapport à l’édition précédente (1992) où la période militaire est effectuée à Chateaulin, qu’en conséquence les 72 km à vélo se réduisent à une vingtaine et qu’il n’était pas question de train raté. En réalité, il s’agit bien de Brest et personne n’est en mesure de confirmer le voyage à vélo (minimum 3 h, sans les crevaisons).
Marie naît le 1er novembre 1908, possible que Guillaume soit informé par télégramme ? Quand et comment rentre t-il sur Plomodiern ? – l’incendie se déclare dans la grange dans la nuit du 2 au 3, les pompiers de Chateaulin sont sur place à 3 h. – plusieurs témoignages recueillis lors de l’enquête de gendarmerie, dont celui, très convaincant, de son beau-père, attestent de la présence de Guillaume sur place avant l’incendie. Conclusion : l’auteur nous bâtit un roman.
p. 74 : “Grâce aux dédommagements accordés par l’assurance, Guillaume et Marie-Jeanne se lancent dans une nouvelle aventure, toujours dans le commerce. En juillet 1912, ils montent une blanchisserie industrielle à Saint-Pierre-Quibilgnon, un faubourg de Brest.“
Faux et frisant la malhonnêteté – ce passage, à lui-seul, en dit long sur la crédibilité de l’auteur.
Suite à l’incendie, Guillaume, sévèrement brûlé, est soigné plusieurs mois à Saint-Ségal. A son retour, il ne persiste pas dans l’activité de vente et réparation de cycles et en 1910, le couple s’installe comme cafetier-aubergiste à Port-Launay (commune née du morcellement de Saint-Ségal et de Chateaulin). En 1912, il cherche à travailler sur Brest, un projet de fabrique de faux-cols avec un certain Stuztman avorte mais on trouve bien, en juillet 1912, la famille Seznec dans l’activité de blanchisserie-repassage, rue Amiral Linois, à Brest et non à Saint-Pierre de Quilbignon. En août 1914, il est versé dans le service auxiliaire à Brest et le 20 janvier 1915, et non juillet 1912 (erreur inadmissible), il ouvre sa “Blanchisserie Moderne” à Saint-Pierre tout en gardant un dépôt à son ancienne adresse. La réalité est bien éloignée de ce que nous dit l’auteur. Est-ce bien utile de travestir à ce point l’histoire familiale ?
p. 74 : “… Guillaume Seznec, vivant mal d’être resté à l’arrière, se porte volontaire pour aller, pendant un an, à la poudrerie de l’ïle d’Ouessant.“
Faux et grotesque. Un document (ou une référence d’archives) aurait pu étayer l’affirmation. Le problème est de le trouver, car point de poudrerie à Ouessant en activité à cette période. Denis Seznec reprend, en le complétant, un renseignement mentionné par Claude Sylvane (elle évoque une poudrerie de Brest) – cet acte très louable de Guillaume Seznec, à notre connaissance, le premier intéressé lui-même ne l’a jamais évoqué. Un oubli improbable ou plutôt une erreur stupide de son petit-fils pour non vérification des sources ?
p. 74 : “En 1917 apparaissent de nouveaux clients : les Américains dont les troupes viennent de débarquer au Havre…“
Inexact. Les premières unités débarquent à Bordeaux et Saint-Nazaire en juin 1917 (dans les mois qui suivent d’autres débarquent à Brest et au Havre…). Les premiers Américains à s’installer à Pontanézen (Brest) le 12 novembre 1917 viennent de Saint-Nazaire, un peu moins de 13 000 hommes (début 1919, le camp est en capacité d’accueillir 50 000 hommes).
p. 77 : “En 1922, la blanchisserie de Brest brûle et, comme les Seznec en sont encore légalement propriétaires, c’est eux qui reçoivent l’indemnité de l’assurance.“
Approximatif. Le 13 septembre 1919, le fonds de commerce de la blanchisserie est cédé pour 23 000 francs à Charles Marc, beau-frère de Guillaume Seznec, qui le revend le 17 mars 1921 pour 50 000 francs à deux associés (Balzon et Genoud). L’assurance, contractée au départ par Guillaume Seznec, intervient pour l’indemniser sur la perte du bâtiment. L’indemnisation du fonds et de l’outil de travail, du fait de changements de propriétaires, n’est pas sans difficultés et les différentes parties concernées se retrouvent en conflit.
p. 78 : “…- pensez, on ne le voit pratiquement jamais au café“
A nuancer. Parmi les créanciers divers, on trouve le cafetier morlaisien Paul, difficile de croire que la somme due correspond à des achats de légumes.
p. 78 : “… il a invectivé l’huissier venu lui signifier la plainte et celui-ci n’a pas hésité à saisir les tribunaux“
… ou comment on arrange l’histoire : Seznec et son ami de Jaegher se plaignent, dans un courrier adressé au tribunal, en mots peu amènes, de l’attitude d’un avoué, M° Croissant, au sujet d’une affaire de vente de bois – ce dernier, prenant connaissance de la chose, assigne les deux plaignants en diffamation et dénonciation calomnieuse – l’huissier s’est peut être fait mal accueillir lorsqu’il s’est présenté pour délivrer l’assignation, mais il n’est en rien le plaignant
p.79 : “Il (Quéméneur) est également à Morlaix membre d’une sorte de club, le Cercle des Arts, où se retrouvent, pour discuter, dîner et faire peut-être des rencontres agréables, des notaires, chefs d’entreprise, pharmaciens, médecins, etc. Une femme, surnommée la Belle Hélène, propriétaire de la plus grande conserverie de Morlaix, en est à la fois l’égérie et l’intendante. Cela, je l’apprendrai en janvier 1989 : l’abbé S. Loussouarn, de Morlaix, me fera part de ses souvenirs sur la “Belle Hélène”, qui appartenait à sa famille.”
Rocambolesque et faux. Dans ce passage, on atteint les sommets de la confusion et de la bêtise et ce qui paraît incompréhensible, c’est que cela est repris d’une édition l’autre alors qu’il n’y a aucun Morlaisien susceptible de croire à cette fable. Effectivement, il existe sur Morlaix une Chambre Littéraire (créée au milieu du XVIIIe) à laquelle adhèrent surtout les notables locaux (fin XIXe-début XXe, les sociétés savantes sont nombreuses et diverses), il n’est pas démontré que Quéméneur en faisait partie, les habitués étaient essentiellement des gens résidant à Morlaix. En ce qui concerne la Belle Hélène, on la cherche toujours et comme elle est censée diriger localement une conserverie, la tâche est ardue. Si Morlaix avait connu un essor de la conserverie, cela se saurait. En fait notre auteur mélange un peu tout : il se peut que le brave abbé Lossouarn lui ait parlé d’une égérie, mais qui n’a strictement rien à voir avec Morlaix, car dans l’ouvrage, le passage qui suit fait mention de Penmarc’h où cette dame en question tenait un restaurant (et peut-être une conserverie, il y en avait 7 sur place en 1900). Pour un Finistérien, confondre Morlaix avec Penmarc’h correspond pour un Charentais à confondre Dieppe avec La Rochelle. Question : cette histoire farfelue complétement erronée figurera t-elle de nouveau dans la prochaine dernière édition ? – Notons que cette Belle Hélène est également mentionnée dans l’ouvrage de Caraminot, elle aurait tenu cette fois une sorte de maison close vers 1920, avant d’embrasser l’activité de bouchère (?), toujours dans le pays bigouden, tout un programme…
p. 79 : “Les deux hommes ont pourtant un point commun : ils se sont faits eux-même, en dépit de leurs origines modestes“
Le mot modeste est à relativiser : il ne peut faire oublier qu’au moment où Guillaume Seznec quitte le collège pour la ferme, sa mère tient la ferme de Kerneol à l’aide de sept garçons de ferme et de deux servantes (cf Nous les Seznec p. 72) et que Pierre Quéméner descend d’une famille qui fut l’une des plus aisées de la commune du temps de la prospérité des juloded (paysans-toiliers à qui on doit la richesse des enclos paroissiaux). Disons qu’il y a bien plus modeste comme origine sociale. Par ailleurs, l’auteur, parlant du mariage de Guillaume et Marie-Jeanne, nous annonce tout de go, plus de 1500 participants – quelle jauge pour une noce moins “modeste” ?
p. 81 : “Le petit paysan a parcouru un sacré chemin, d’autant qu’un siège de député l’attend à bras ouverts, je l’ai dit.“
Même s’il l’a dit, c’est aller vite en besogne : en 1924, la liste de 11 candidats sur laquelle aurait pu figurer Quéméneur, arrive à obtenir 6 élus – Quéméneur pouvait au mieux concurrencer le 6ème (Jean-Louis Henry, l’apiculteur de Loqueffret). Je n’ai lu à ce jour aucune info précisant que Pierre Quéméner envisageait de se présenter aux suffrages.
p. 81 : “Un vendeur de bois et un maître de scierie sont faits pour se rencontrer, me direz-vous. en effet, c’est ce qui se produit en 1922…“
Tout laisse porter à croire qu’ils se connaissaient en 1919, d’autant que G. Seznec le confirme lors d’une audition. En 1922, Seznec emprunte 15 000 francs à Quéméneur, on peut légitimement supposer qu’ils se fréquentaient depuis un certain temps.
p 82 : “Quéméneur, donc, fréquente les Seznec. Un certain jour, il propose une nouvelle affaire à son ami : une affaire de voitures.“
Il propose… ou… pas, car l’affirmation est dénuée de tout fondement précis, tout comme l’inverse. Que penser de la véracité du trafic de cadillacs vers les soviets ? S’il a existé et concerné nos deux personnages, qui en a eu l’idée ? L’auteur sait, il l’affirme clairement mais ne dit mot des antécédents certifiés de son grand-père dans des affaires de voiture et ne donne aucun élément concret d’une implication de P. Quéméneur dans le trafic en question – à ce jour, aucun élément fiable et indiscutable sur le sujet nous est proposé.
p. 84 : « Cet homme (Barthélémy Spor), mon grand-père l’a connu à Morlaix et, quand il est venu à Brest, l’a aidé à s’installer, notamment à s’acheter un tour. »
des précisions nous aideraient à y croire… sinon, c’est du roman
« des recherches seront entreprises sur cette famille, dans le cadre de la révision du procès de mon grand-père, mais elles n’aboutiront pas… »
malhonnêteté intellectuelle : une personne adhérente de l’association France-Justice (Catherine Clausse) nous donne des précisions sur la famille Spor – le plus facilement du monde, elle en a retrouvé la trace à Pantin. Le garagiste décède en 1959. Tout cela, l’auteur ne peut l’ignorer,
pp 86-88 : présentation du marché des cadillacs – peu crédible, car basé uniquement sur les dires de Guillaume Seznec.
p. 90 : « le 20 mai, Seznec reçoit une lettre venant de l’American Chamber of Commerce, 22 rue Taitbout, à Paris. C’est la seconde en quelques jours, selon mon grand-père. Comme la précédente, il la porte le lendemain à son ami »
le 20 mai, nous sommes dimanche de Pentecôte, pas de courrier distribué. Supposons qu’il l’ait reçu la veille, rien n’indique que Seznec se déplace à Landerneau le 19, le 20 ou le 21, et pour les deux derniers jours, Pierre Quéméner étant en famille à Saint-Sauveur dans la journée, il ne pouvait être visible chez lui qu’en soirée. Aucune précision n’est donnée par guillaume Seznec sur ce point. Ce que nous dit l’auteur ne repose sur rien, enfin si… sur du vent.
p. 90 : « A son arrivée en ville, il se rend tout d’abord chez Julien Legrand, l’ancien maire de la ville… cette formalité accomplie, il rejoint Quéméneur chez lui… »
en contradiction avec ce que dit Legrand : Pierre Quéméner, dit-il, attendait Guillaume Seznec, dans sa voiture garée devant son domicile. Cette version correspond mieux à la disposition des lieux, Quéméner résidant près de la gare et Legrand plutôt en direction de Brest (quai de Léon).
p. 91 : « … le fisc qui lui réclame de grosses sommes pour ses profits réalisés pendant la guerre… »
possible mais non prouvé, or les archives existent et sont consultables – Bernez Rouz dans son ouvrage nous donne des éléments qui contredisent cette affirmation.
p. 91 : « Pendant ce temps, Seznec est allé escompter sa traite à la Banque bretonne… »
En 1926, Salaün, le fondé de pouvoir de la Société Bretonne de Crédit, est interrogé par un journaliste qui lui demande s’il connaissait Guillaume Seznec – il répond qu’il l’avait comme client. Seznec avait-il plusieurs comptes ouverts dans des établissements bancaires ? – aucune trace dans les documents de la liquidation judiciaire.
p. 93 : « Il n’y a d’autre part aucune faute d’orthographe, et seulement une faute d’accent »
Entre cette ânerie et celle qui consiste à affirmer que le texte est truffé de fautes d’orthographe, il convient de dire que la vérité se situe entre les deux, tout dépendant évidemment de ce qu’on entend par orthographe.
p. 94 : « Un homme surprend la scène, amusé, François Pansel, qui connaît bien les deux hommes. Il remarque les dollars…. Retrouvant son camarade Jean Boulic… il lui lance, avec un coup d’œil entendu : – dis donc, il y a un beau coup à faire, à la terrasse ! »
voilà nos deux compères, attablés en terrasse, dans la rue la plus passagère de Brest, s’échangeant des pièces d’or entre deux tournées – cette narration pour lecteurs de presse à sensation nous vient d’un témoignage « spontané », 24 ans après les faits… et pourquoi ce retard : les deux serveurs répondront que jusque là, on ne leur avait pas demandé leur avis – réponse imparable, n’est-ce pas ?
« L’après-midi, les deux hommes ont rendez-vous à Lesneven, chez un certain Leverge, meunier, pour lui acheter sa cadillac… »
cette voiture est-elle la propriété de Leverge ou celle d’une connaissance de Plounévez-Lochrist qui avait chargé Leverge d’essayer de vendre le véhicule ?
p. 95 : « Ce document ne sera trouvé qu’en un seul exemplaire. »
l’auteur s’embrouille un peu sur ce point, il nous parle plus loin d’un deuxième exemplaire
p. 96 : « Ce témoignage est précieux à plusieurs titres. Il atteste d’abord que mon grand-père possédait bien des dollars… »
bien sûr, mais cela relève de la méthode Coué, libre au lecteur de s’en satisfaire ou pas – est-on autorisé à douter de la parole de Julien Legrand ?
p. 97 : « Pendant cette attente, le conseiller télégraphie à M° Pouliquen… »
Faux – Jean Pouliquen télégraphie en soirée de la Poste de Rennes, Guillaume Seznec l’accompagne.
p. 98 : « Le lendemain, 25 mai, vers 5 heures de matin, les associés… prennent place à bord de la cadillac »
possible, mais… harassés car couchés seulement quelques heures avant, après une excursion nocturne dans un bar de nuit local, La Source… (renseignement donné par Privat, donc pas forcément fiable, je vous l’accorde – le patron de l’hôtel déclare que ses deux clients sont restés jouer à la manille ?)
p. 102 : “Dans l’établissement indiqué… ils sont les seuls clients. Quéméneur va téléphoner“”
le coup de téléphone ? : il a fait couler beaucoup d’encre, mais aucun élément prouve cet appel, Charles Huzo est le premier à l’imaginer et à l’évoquer.
p. 102 : “Seznec se frotte les yeux. Où est-on ? Sans doute à Dreux. Déjà ? Quéméneur est descendu, sa valise à la main.“
même en changeant Dreux pour Houdan, cela reste du roman.
p 103 : “Il fait donc demi-tour peu après La Queue-lez-Yvelines, c’est-à-dire en fait non loin du lieu où l’a rencontré Dectot, le maçon“
supposons que le brave Dectot ait bien rencontré Seznec et non quelqu’un d’autre, qu’est-ce qui permet de dire qu’après quelques kilomètres parcourus, il s’arrête et décide de faire demi-tour ? L’intuition bien plus que la consommation de carburant. Trappes, Versailles, Paris sont-ils à ce point éloignés qu’une visite nocturne de ces charmantes contrées est totalement hors de propos ?
p. 104 : “Le lendemain, suite du périple, avec succession de crevaisons et pannes de moteur, comme il se doit.“
Pré-en-Pail -Morlaix : environ 20 h de route (sur la base de ce que dit Seznec) pour 300 km – trajet dénué de tout intérêt ? c’est du moins ce que peut comprendre le lecteur à la lecture de la seule ligne qui le relate.
p. 105 : “Guillaume Seznec, lui, fera des erreurs, confondra des lieux, oubliera la rencontre de témoins – souvent favorables -, bref, se comportera comme un innocent“
innocent ? : possible – mais de toute évidence, gêné aux entournures et visiblement à la conscience pas tranquille – s’il a oublié des témoins, ceux-ci l’ont aussi bizarrement oublié – quant à ceux qu’il n’a pas oubliés, ils ne lui ont pas été d’un grand secours (Métais, Bienvenu… et l’impayable Giffat, toujours en goguette)
p. 107 : “Le 1er juin, il prend le train pour Paris afin de s’entretenir avec un avocat, M° Gautier, qui doit le défendre dans cette affaire de diffamation dont l’accuse un huissier“
le lecteur lambda comprend que M° Gautier est l’avocat de Seznec pour une affaire en cours qui oppose ce dernier à un huissier – seulement c’est faux : la visite chez M° Gautier est bidon, on ne choisit pas un avocat, qui plus est, très éloigné du tribunal, un mois avant la première audience, M° Gautier s’est prononcé en ce sens, la visite de ce client ne lui a pas paru bien sérieuse – par ailleurs, c’est M° Croissant, avoué à Morlaix, qui assigne Seznec pour diffamation et dénonciation calomnieuse – le dossier, pour Seznec/de Jaegher est suivi par M° Bienvenue, avocat à Saint-Brieuc, cela se concluera par une condamnation symbolique, la diffamation n’ayant pas été retenue.
p. 107 : “le 2 juin, il est de retour chez lui, à Morlaix“
faux – et c’est Guillaume Seznec lui-même qui le précise dans sa déposition du 28 juin 1923 – il arrive à Paris le 2 au matin, il passe chez Gautier, achète des fournitures automobiles avenue de la Grande Armée, passe à l’Hôtel de Normandie (ou à la Ville d’Argentan ?)… et passe aussi, selon l’accusation, au bureau de poste N°3 de l’avenue Malesherbes – il prend le train du soir pour Morlaix où il arrive le 3 au matin.
p. 106 : la journée du 3 juin est zappée, Marie-Jeanne se déplace à Plonévez-Porzay, mais Guillaume ? – en fait, il part dès le matin pour Trégastel avec son voisin Rams, le buraliste de la rue de Brest – il eut été intéressant de questionner Rams sur l’itinéraire suivi pour le comparer à celui du 12 juin.
p. 107 : “… Il m’avait même parlé de gens importants pour sa carrière politique. Il voulait les rencontrer à cette occasion…“
élucubrations sans fondement, le mariage en question était ordinaire et Pierre Quéméneur, avec sa position de conseiller général, tenait déjà là son bâton de maréchal.
p. 107 : “Le 10 juin, deux nouveaux visiteurs se présentent à la scierie : Louis, le frère de Quéméneur, et M° Pouliquen, le beau-frère du conseiller. Seznec est en plein travail quand il les reçoit“
version contredite par le témoignage précis des visiteurs : “Nous trouvâmes Seznec encore couché et la bonne qui venait de se lever nous fit entrer dans la salle à manger où Seznec et sa femme vint nous rejoindre une demi-heure après“
p. 109 : “– le mieux serait d’alerter la mobile de Rennes, poursuit M° Pouliquen, puisque c’est de cette ville que vous êtes partis. Si vous veniez avec nous ? Après tout, c’est vous qui avez vu mon beau-frère pour la dernière fois. – Mon grand-père accepte aussitôt – Les trois hommes se rendent alors à la brigade mobile de Rennes“
en moins romancé : Louis Quéméneur et Jean Pouliquen quittent Traon Velin et reviennent sur Landerneau, ils discutent et décident du départ pour Rennes, en informent Seznec par téléphone et sollicitent sa présence, il accepte et les rejoint en montant dans le train en gare de Morlaix.
p. 109 : “M° Pouliquen décide pourtant d’aller mener lui-même son enquête à Paris… tandis que le maître de scierie, lui, revient à Morlaix où ses affaires l’appellent“
pas vraiment exact : le trio passe à la brigade mobile vers 19 h 30, couche à l’Hôtel Parisien, prend le train de Brest le lundi matin 11, Seznec descend à Saint-Brieuc pour une visite chez l’avocat Bienvenue, Louis Quéméneur et Jean Pouliquen descendent à Landerneau et prennent le train pour Paris le soir-même.
p. 109 : “Questionné par les deux enquêteurs amateurs, l’employé de la poste restante, Alfred Bégué…“
un “oubli” étonnant très important : un directeur d’une agence de recherches, M. Delangle, accompagnait notre duo d’enquêteurs – le 30 juillet 1923, Jean Pouliquen le précise dans le bureau de Campion (plutôt tardif, ce témoignage).
p. 110 : “Le jour suivant, 11 juin, les deux hommes se rendent à la police judiciaire, rue des Saussaies, où ils reçoivent à peu près le même accueil qu’à Rennes…“
… sauf qu’entre Rennes et la Sûreté Générale à Paris, il y a passage au palais de Justice et à la Police Parisienne – or, dans l’hypothèse d’une machination policière, ceci n’est sans doute pas anodin
p. 110 : “… devant leur insistance, les policiers leur suggèrent d’adresser une lettre détaillée au directeur de la Sûreté. C’est ce que fait le notaire le soir même.”
ce courrier, passé pour quelconque, est en fait d’une importance capitale car il s’agit de la plainte destinée au parquet de Brest (renouvelée le 17 juin) et permettant l’ouverture d’une information judiciaire – (Bernez Rouz nous précise que la demande d’ouverture d’une information judiciaire ne fut transmise que le 21 juin)
p. 113-114 : relation toute “personnelle” du passage de Jenny Quéméneur/Jean Pouliquen à la Sûreté pour reconnaître la valise trouvée au Havre (et son contenu)
p. 115 : “… Seznec, le taiseux, lui, n’a encore donné aucun détail…“
si on lit l’Ouest-Eclair du 28 juin, on constate que le journaliste se déplace deux fois à Traon-Velin et que Guillaume Seznec est loin d’être muet… un taiseux bien bavard…
p. 116 : “Le même jour encore, le commissaire divisionnaire Jean Cunat… vient poser à mon grand-père quelques questions… Le lendemain, il est convoqué à la Sûreté à Paris...”
toujours un souci de date : Cunat est à Traon-Velin le mardi 26 juin, et c’est bien le même jour que Guillaume Seznec reçoit deux avis télégraphiques, d’ailleurs au journaliste d’Ouest-Eclair il précise bien que “mardi soir, à 4 heures et à 9 heures, j’ai reçu l’ordre de me présenter à Paris à la Sûreté Générale. Je n’avais que trente francs sur moi, je n’ai pas pu prendre le train…” mais on notera que ce jour, il adresse un mandat de cinq cents francs à M° Charlier, avocat à Rennes (cf Bernez Rouz)
p. 116 : “A cette époque, le chef de la Sûreté, le contrôleur général Lannes, est le beau-frère du président du Conseil, Raymond Poincaré…”
faux et impardonnable. Le vrai patron de la Sûreté Générale est Louis Florentin Marlier, protégé de Millerand, ancien de la Préfecture de Police de Paris, remplacé en 1924 par Chiappe, car nommé préfet de Corse. Lannes, ancien fonctionnaire de police dans l’Allier, à Marseille, à Rouen, peu présent à la direction de la Sûreté (travaille plutôt à domicile), s’occupe surtout de tableaux d’avancement pour le personnel et de plans de carrière (dont le sien) et lorsqu’il s’occupe d’opérations de police, il semble le faire avec une incompétence remarquable… (cf. affaire Philippe Daudet)
p. 117-125 : Bonny… en veux-tu… en-voilà. “L’affaire Seznec lui apportera la consécration” nous dit l’auteur… alors pourquoi s’en priver. A quand huit pages sur Marlier, Vidal, Reymond, Campion, Picard, Guillemard, Cunat… on peut rêver – pour le moment tout ce qu’on nous apprend sur tous ces personnages “sans intérêt” tient sur une demi-page !
p 128 : “Guillaume Seznec, quant à lui, faisait route sur Morlaix, et on le suit toute cette journée, heure par heure, de ville en ville et de garage en garage.”
… mais encore ? – sans en demander autant que sur Bonny, on aurait bien aimé en savoir davantage
p. 134 : “… Le train de Houdan à destination de Paris part à 21 h 47. A cette heure, les deux hommes étaient au restaurant. Quéméneur n’a donc pu le prendre…” – puis 4 lignes plus loin : ” Ce que Vidal et Bonny se gardent bien de dire à mon grand-père, c’est qu’il y a bien un train pour Paris que Quéméneur aurait eu parfaitement le temps de prendre : celui qui quitte Dreux à 21 h 58…“
… que celui qui trouve une cohérence dans ces deux extraits, veuille bien éclairer notre lanterne – cela suppose que subitement la Cadillac poussive batte des records de vitesse pour faire Houdan-Dreux et que nos deux zèbres quittent précipitamment le restaurant en risquant de s’étouffer et évidemment sans payer… le train n’attend pas !
p. 137 : “Une autre preuve qu’ils étaient au Plat d’Etain avant 21 h 20, c’est que Quéméneur a téléphoné de ce restaurant“
… problème : cette “preuve” ainsi formulée n’est que du vent, une affirmation répétée depuis 1923, du même ordre que la grâce octroyée par Charles de Gaulle. On a beaucoup écrit sur ce supposé coup de fil – admettons qu’il ait été donné, sauf à connaître le nom du correspondant, on ne comprend pas bien l’importance qu’on lui prête.
p. 149 “… Dans le filet à bagages, au-dessus de lui, se trouve sa valise de cuir jaune“
… notre auteur anticipe bizarrement sur une déclaration hâtive et peu réfléchie du témoin Legrand.
” Une jeune employée de dix-huit ans, Mle Héranval, lui montre une modèle…“
… en mai 1923, cette demoiselle était plus près de ses 16 ans que de 18.
p. 150 : “Selon le juge Hervé, on retrouvera ces quatre témoins, le 26 juillet, à Morlaix, dans d’étonnantes circonstances : le lendemain de leur audition, ils organiseront une sorte de conférence de presse… Ensuite, à l’Hôtel de la Poste, ils commenceront une petite fête très arrosée qui se poursuivra au restaurant où les rejoindront certains policiers. On boira de nouveau, on mènera grand train… et, à l’aube, la joyeuse bande parcourra gaiement les rues de la ville, réveillant les habitants par leurs rires et des cris inattendus : “Vive Chenouard ! vive Vidal ! vive la police” Certains habitants protesteront, porteront même plainte pour tapage nocturne. J’ignore où et comment le “petit juge” s’est procuré cette information. Ce que je sais, c’est que plus tard, quand on voudra consulter le registre de la main courante du commissariat de Morlaix pour l’année 1923, afin de retrouver trace de ces plaintes, on découvrira que ce dossier a disparu, envolé, lui aussi !“
… si à cette tirade on ajoute celle qui concerne la Belle Hélène, on a un condensé illustrant la qualité de romancier de l’auteur, très inspiré par son mentor Hervé – les Morlaisiens en redemandent !
p. 155 : “Pour ce qui est de Georges Le Grand,… c’est un citoyen apparemment sans reproche. Nous n’avions rien trouvé sur lui… Ce n’est qu’en 1980 que son neveu, Lucien Bacqué, opticien à Paris, m’apprendra des choses bien intéressantes…“
… mais alors ! pas d’Etat-Civil, pas de domicile, pas de profession – aucune info en près de 60 ans ?
p. 156 : “… j’ai remarqué dans le filet, au-dessus de cet individu, une valise jaune…“
… la fameuse valise… un coup j’te vois, un coup j’te vois pas
p. 156 : “Quant à Mle Héranval, l’employée de M. Chenouard, quinze ans et demi…“
… soit il y a deux demoiselles Héranval, soit c’est la même que sept pages avant, mais avec deux ans et demi de moins…. on craint le pire vers la page 200.
p. 157 : “Cependant, écoutons ce que dit ou, plus précisément, ce qu’écrit dans la presse M. Hodey, le garagiste de Houdan…“
… et le journaliste il fait quoi ? la tête sous le capot et les mains dans le moteur ?
suit le témoignage délicat de M. Hodey évoquant une suspicion de relations intimes entre le commissaire Vidal et Mle Héranval qui donne lieu au commentaire suivant de l’auteur : “en tout cas, en 1923 et 1924, il faut croire que les journalistes avaient été, eux aussi, intrigués ou édifiés sur les relations particulières unissant le principal enquêteur à la jeune témoin, car ils publieront de nombreuses fois dans la presse de l’époque une photo les montrant marchant ensemble…“
… à ce stade, on peut difficilement faire pire dans l’investigation ou la recherche historique, et en sus la grossièreté – précisons que la photo en question nous montre Vidal et Mle Héranval marchant dans une rue de Morlaix (qui longe le Jarlot), se dirigeant probablement vers le palais de Justice (qui vient, il y a peu, de fermer définitivement ses portes) – cette photo est reprise dans l’ouvrage, par le biais de la représentation d’une Une de Libération… la dignité pour certains, l’opprobre pour d’autres…
p.159 : “J’avais appris qu’un loueur de voitures, Charles Paudy, se faisait cent francs par jour dans le transport des pommes de terre. je voulais faire de même…“
… on restera sur notre faim, on ne saura guère plus sur ce point. Seznec voulait-il proposer son véhicule pour le transport ? Si oui, à qui ? Avec quel chauffeur? s’il s’agit de lui, cela suppose une absence prolongée. Si on considère que Charles Paudy, inconnu au bataillon, correspond à Charles Pauvy, ce dernier est charpentier de marine… un rapport peut-être avec les patates, mais alors lointain – bref, on aurait aimé en savoir plus, tant pis, on essaiera de se débrouiller tout seul… et finalement on y arrive : le déplacement pour transport de patates est d’autant plus curieux que Seznec, lors d’une visite précédente à M. Pauvy, avec été mis directement en contact avec le client et il était convenu que ce dernier le solliciterai directement le moment venu. Donc, difficile de croire au motif de déplacement évoqué par Seznec.
p. 159 : “Je suis descendu à pied directement chez un petit marchand de vélos qui n’avait pas les pièces qu’il me fallait“
… rien ne confirme cette affirmation, pas de témoignages.
p. 159 : “J’ai pensé revenir à la scierie, mais il n’y avait pas de train direct pour Morlaix et je me suis dit que le mieux était peut-être d’aller à Saint-Brieuc“
… dommage que personne n’ait cru bon d’informer le père Guillaume de l’existence d’une ville proche nommée Guingamp, avec toutes les commodités et une vraie gare de chemin de fer.
p. 160 : narration par Guillaume Seznec de cette foutue journée du 13 juin, récit rocambolesque que ne confirme aucun des témoins cités – reste le témoignage confus de Maître Bienvenue qui vient compliquer la compréhension de cette journée-clé.
p161 : “A cette époque, mon grand-père a fait plus de vingt années de bagne, il est fatigué, il répond automatiquement la vérité.
… c’est imparable, un coup de chance qu’il ne se soit pas reposé pendant la traversée.
p. 162 : “Plus tard, M. Gadois confiera à son ami M. Le Borgne, ébéniste à Landeleau, qui le rapportera à un journaliste de Paris-Match…“
… doit-on comprendre que Hervé, Bal, Lamour… n’ont jamais trouvé la direction de Carhaix pour rendre visite à la famille Gadois ? – en 1955, le fils de M. Le Borgne revient sur le témoignage de son père.
p. 164 : “Ce n’est qu’en 1994 qu’une information capitale sur les relations politiques de M° Bienvenue me parviendra… Mais nous en reparlerons“
… risquons-nous à dévoiler ce à quoi fait allusion l’auteur : le patronyme de l’épouse du maréchal Foch (propriétaire à Ploujean) : Bienvenue – que dire ? : amusant ou pitoyable ? – quel scoop en effet ! en 1923, tout Morlaix connaissait les relations Foch-Bienvenue.
p. 165 : “Pour ce qui est de l’huissier Le Bars, il affirme que la visite du maître de scierie n’a pas eu lieu le 13 juin mais le 23. Rien n’indique qu’il dise faux“
… en se forçant un peu, l’auteur aurait pu nous dire : tout indique qu’il dit vrai – sur ce terrain, un huissier peut difficilement être pris en défaut.
p. 165 : “L’ironie de la chose, c’est que mon grand-père pourrait citer d’autres témoins confirmant son périple du 13 juin, mais il n’y songe pas.“
… ajoutons pour être complet : ni lors de l’instruction, ni lors du procès, ni dans les 30 ans qui suivent…
p. 165 : évocation du témoignage de Mme Raoult sur la visite supposée (et “oubliée”) de Seznec le 13 juin à l’Office Départemental des Anciens Combattants de Saint-Brieuc (une heure trente d’entretien) – quel crédit l’auteur donne t-il à ce témoignage ? Rien à ce sujet, faut dire qu’il est difficilement conciliable avec le déplacement sur Brest – un moment, il faut choisir.
p. 166 : “Robert Giffat. Il travaille dans l’entreprise qui aménage la voie ferrée Chateaulin-Camaret“
p. 167 : “Quant au voyageur rencontré dans le train, on ne se donnera pas la peine de l’interroger“
p. 167 : “Robert Giffat ne sera jamais entendu“
… le fameux Giffat : témoin réel ou sorti de l’imagination de Seznec ? L’auteur s’en tient à la première déposition de son grand-père évoquant le voisin de compartiment, et laisse entendre que ce témoin est bien réel – on frise ici la malhonnêteté intellectuelle, car rien n’atteste à ce jour un début de commencement d’existence de Robert Giffat. Dans un deuxième temps, sur les conseils de ses avocats, Guillaume Seznec “renie” Giffat, avant de le ressortir curieusement lors du procès.
En 1955, l’enquête du commissaire Camard fournit des informations complémentaires du le dénommé Giffard, et non Giffat – effectivement, cette personne travaillait bien sur le chantier de chemin de fer en question, mais ne pouvait être compagnon de voyage de Seznec car il était de permanence sur le chantier – le lendemain de la noce, il participe au repas de midi. Ces éléments ont été transmis à Seznec lors de l’instruction, en conséquence il abandonna cet élément de défense… pour le ressortir, à la surprise de son avocat, au moment du procès.
Attitude malhonnête de l’auteur, qui, sachant obligatoirement ce qui précède, n’en tient aucun compte lors de la rédaction de son ouvrage.
p. 168-169 : si lecteur s’y retrouve, qu’il nous fasse signe… car même à la troisième lecture, cela reste très confus :
– Kerné : “propriétaire d’une affaire de bois charbons” à la p. 168 et à la page suivante le même Kerné dans la lettre de de Jaegher précise que “mon patron est venu me voir à Chelles“
– André de Jaegher : “courtier ami de mon grand-père” nous indique l’auteur, or dans la lettre de son père à la page 169, on peut lire : “… lorsque mon fils André, alors âgé de dix-neuf ans…” – précoce s’il s’agit de la même personne qui dépose le bilan en laissant une ardoise conséquente à Quéméner (en 1922, un mineur pouvait-il être gérant déclaré ?), qui se rapproche de Seznec et l’entraîne dans des procédures stupides (procès avec Croissant), qui a déjà femme et enfants et une réputation établie de “bambocheur” notoire…
… j’ai la nette impression que notre auteur a beaucoup de mal à cerner les évènements morlaisiens ainsi que les faits et gestes des habitants… démêlons donc le pataquès : le grand-père paternel de Jaegher (négociant) décède en 1901, il n’est donc en rien concerné par l’histoire ; son fils, André Albert Marie, est le courtier “artiste” qui plombe la trésorerie de Pierre Quéméner en lui laissant un drapeau conséquent (près de 70 000 francs), qui prend racine à Traon-Velin et qui a un penchant pour la délation ; il a cinq enfants dont André, prénom qui embrouille sans doute notre auteur peu perspicace (là encore, espérons une correction pour la prochaine édition).
Ici encore, l’auteur ne brille pas par sa correction envers ses lecteurs : il oublie curieusement de préciser que Kerné était l’employé de de Jaegher jusqu’au mois d’avril.
p. 171 : “… Imaginons une fois de plus un défenseur pugnace aux côtés de mon grand père : il aurait, sans grandes difficultés, fait annuler cette procédure !“
… que dire des autres défenseurs successifs, jusqu’à ceux d’aujourd’hui ? Depuis 1923, magistrature/justice/police sont dans une même démarche (Denis Langlois excepté) : “cadrer” le dossier tout en donnant l’impression de le faire évoluer dans un sens favorable à la défense. La pugnacité n’a rien à faire dans l’histoire, le peu d’éléments apportés lors des diverses révisions le montre bien. La défense s’est nourrie jusqu’à satiété de Bonny… le détective Delangle et autres personnages “oubliés” sont bien loin de ses préoccupations.
p. 175 à 178 : en vedette, la machine à écrire Royal 10… avec un ou deux numéros de série… suivi d’un long passage du livre (ou plutôt du roman) du fils de Bonny – mais au fait, quoi sur Chenouard ? Rien à part ses déclarations, qu’il soit en situation de dépôt de bilan ne doit sans doute intéresser personne… ?
p. 179 : en vis-à-vis de l’option Bonny/tourmenté par le doute, l’auteur nous propose, par le témoignage de Léon Sacré, l’option Bonny/manipulateur véreux – au lecteur de choisir une version, celle du fils du “meilleur policier” de France paraissant la plus douteuse…
p. 180 : “… Son officier n’hésite pas à lui dire tout ce qu’il a sur le cœur, lui faisant des reproches pour son attitude dans l’affaire Stavisky et, plus généralement, dans tous ces scandales politiques où il a joué un rôle de manipulateur… “- suit une retranscription imaginaire de la conversation entre les deux hommes… “... René Moreau-Lalande rejoint sa femme, qui l’attend à quelques pas. Tout naturellement, il lui rapporte les propos étonnants qu’il vient d’entendre et qui le bouleversent…“
… on a là l’illustration du fossé entre un récit historique et un roman – ces quelques lignes ne sont qu’une interprétation d’un entretien entre Bonny et l’ex-lieutenant Moreau-Lalande, entretien rapporté en 1948 par l’épouse de ce dernier lors d’une brève déposition, mais entretien auquel elle n’a pas assisté parce que tenue à l’écart, ce qu’elle confirmera d’ailleurs plus tard devant la caméra. Dommage (et étonnant) que le militaire Moreau-Lalande n’ait rien consigné par écrit, cela aurait évité à l’auteur de nous gratifier d’un témoignage un brin “bricolé”.
p. 185 : “Une pensée l’obsède : où peut bien se trouver Quéméneur…“
… pas si sûr… on peut aussi supposer qu’à cette date, il savait déjà depuis quelque temps que pour Quéméner, la terre s’était arrêtée de tourner…
p. 185 : “… Faire croire à une intention d’évasion, pour rendre l’accusé encore “plus coupable” ? Peut-être.“
… l’auteur peut-il concevoir, ne serait-ce qu’un instant, que son grand-père sorte des clous, surtout dans la situation qu’est la sienne à ce moment précis ?
p. 186 : “… L’abbé Trochu est d’ailleurs un proche de la famille Quéméneur…“
… affirmation totalement gratuite qui ne repose sur rien
p. 186 : “L’abbé Trochu… aura des ennuis à la Libération…“
… le genre de précision qui fait un peu sourire… pas très adroit… mais no comment, d’autres s’y sont employés… notamment au sujet d’un individu demeurant du côté de Ploudalmézeau, spécialisé en peaux de lapin, interrogé par les services américains en 1944.
p. 187 : “Pour une dette minime (et contestée) de 15 000 francs, on n’hésite pas à procéder à la vente aux enchères des biens…“
… curieuse observation lorsqu’on connaît la réalité de la situation calamiteuse de l’entreprise Seznec… depuis bien longtemps la trésorerie est exsangue et les procédures s’accumulent… il n’y a que la foi qui sauve ! – une précision connue de l’auteur : au moment du dépôt de bilan, la dette en question (affaire Caillet) n’était pas contestée, en première instance et en appel Seznec avait été condamné et la saisie découlait logiquement du non respect du jugement – Maître Belz, en tant que liquidateur, s’était pourvu en cassation, avait engagé des frais en ce sens, avant de se raviser et d’abandonner l’action.
p. 187 : “… Très vite, M° Belz se sent perdu, effaré par cet univers…“
… n’exagérons rien, M° Belz était également conseil de Mme Seznec, il ne découvrait pas une situation pour la simple raison qu’il la connaissait.
p. 187 : “… le solde était bénéficiaire de 140 000 francs…“
p. 188 : “… Le bilan a beau être sain, une liquidation est néanmoins ordonné…“
p. 188 : “… Ceux qui avaient des dettes envers mon grand-père se garderont bien de les régler… En revanche, les quelques créanciers se feront connaître…“
… dommage que l’auteur ne nous présente pas le détail du bilan… “sincère” , comme le veut la règle – (cf le début de cet article où nous donnons quelques chiffres relatifs à l’activité de Guillaume Seznec) – à ce stade, on ne peut plus parler de foi, mais plutôt de stupidité… les quelques créanciers qui se manifestent sont quand même une cinquantaine… la liste est édifiante.
p. 188 : “A partir de la vente forcée de la scierie, la Justice ne peut plus reculer : elle doit désormais obtenir la condamnation de Seznec sinon ce serait lui devoir des indemnités importantes….“
… faux et absurde : la liquidation est décidée par le Tribunal de Commerce de Morlaix suite au dépôt de bilan demandé par Mme Seznec, un acquittement de Guillaume Seznec n’aurait eu aucune incidence, a posteriori, sur le jugement de liquidation – l’auteur nous donne une interprétation toute personnelle du droit, un avis auprès d’un conseil n’aurait pas été superflu.
p. 192 : “Mais non, il n’y a rien, c’est vide!“
… Pas vraiment si on s’en tient à ce que relate la presse : il y a là des papiers, divers documents ayant trait à la famille, aux biens.
p.185 : “… Ainsi, il laisse un homme peu habitué aux mœurs et au langage judiciaire se débrouiller seul face à la machine qui l’accable“
… une question : combien de procédures et procès faut-il collectionner pour créer l’habitude ?
p. 202 : – première ligne : “Un jour de décembre… ” et dernière ligne : “soudain, en novembre 1923…“
… c’est un peu Noël à la Toussaint… rien de bien grave…
p. 205 : “… Yves-Marie Le Berre, est employé de gare à Morlaix. Au moment des faits, il effectue une période militaire en Allemagne (son âge, quarante ans, laisse supposer qu’il occupe cette fonction de cheminot dans le cadre des troupes d’occupation de la Ruhr)“
… raisonnement imparable, si le gars Le Berre avait travaillé à la Manu (des Tabacs) de Morlaix, il aurait été affecté, forcément, à la distribution de tabac…
p. 205 : “Lajat… Cependant, lui non plus ne se décide pas à déposer, craignant des ennuis, des complications… Il s’y résout cependant le 12 novembre 1923.“
… les ennuis et complications, il ne les craint plus pour la bonne raison qu’il les a déjà : liquidation judiciaire de son imprimerie en octobre 1922, concordat obtenu de ses créanciers en février 1923 mais rejeté par le tribunal en septembre 1923 (mise en adjudication du fonds de commerce en mars 1925, pas d’acquéreur).
p. 206 : “M° Danguy des Déserts, qui a été souvent en affaires avec Quéméneur, le connaît parfaitement. Difficile d’imaginer qu’il puisse se tromper, d’autant qu’il y a peu de voyageurs dans la gare et qu’il a tout le temps de l’observer…“
… difficile, voire impossible d’imaginer qu’ils ne se serrent pas la main et ne prennent le temps d’une brève conversation – c’est là, la grande faiblesse du témoignage du notaire de Landerneau, ce n’est pas crédible.
p. 208 : “… le juge Binet affirmera avoir vu ce commissaire Pinault déposer furtivement sur le bureau de Quéméneur, lors de la fameuse et étrange perquisition, un livre de Musset ouvert à une page concernant… le suicide.“
… ici, le roman atteint les sommets. Il n’y a plus confusion de noms, lieux ou dates liés à l’affaire mais confusion avec une affaire vieille de dix ans. Explication : lors de l’instruction de l’affaire Cadiou, en 1914, les relations entre avocats, inspecteurs de Rennes, police de Landerneau, Morlaix, et parquet de Brest s’étaient détériorées et lors d’une perquisition sur Landerneau, le commissaire Pinaut, par provocation, avait mis en évidence un livre de Musset ouvert à une page évoquant le suicide. Le procureur de Brest, Guilmard (qu’on retrouve donc sur l’affaire Seznec) avait mal pris la chose et en conséquence, 9 ans plus tard, lors de la perquisition à Kerabri, il avait décidé de se passer de la présence de commissaire Pinaut, ce qui n’a pas empêché ce dernier de s’y rendre. Donc, Alfred de Musset peut être cité dans l’affaire Cadiou, aucunement dans l’affaire Seznec. Cette erreur est vraiment un tour de force, l’auteur ne doit rien à personne, il est le seul à signaler cette énormité.
p. 209 : “… c’est Pierre Quéméneur. Il l’avait rencontré lorsqu’il pratiquait le métier de sellier à Pont-Croix…“
… oui, si l’on considère les affirmations de François Le Her comme parole d’évangile – absolument rien ne le confirme.
p. 209 : “… son affaire de sellerie dans sa ville natale ayant périclité, il est monté à Paris…“
… on a compris, on en saura moins que sur Bonny et autant que sur le passage de ses beaux-parents à Port-Launay, c’est-à-dire rien…
p. 210 : “… une véritable machine de guerre est en train de se mettre en marche contre lui.“
… et qui l’amènera à bénéficier tout à fait officiellement d’une pension d’invalidité parfaitement usurpée… il y a quand même pire comme sort
p. 211 : “M° Moro-Gaffieri, élu député, entre au gouvernement… Il n’est donc plus en mesure de plaider et décide alors de charger son collaborateur, M° Marcel Kahn, de la défense de Seznec“
… complétons en ajoutant que Marcel Kahn suit son patron au gouvernement en devenant au cabinet ministériel, chef de son secrétariat personnel.
p. 221 : “… l’avoué de Morlaix, M° Belz, en additionnant les actifs mobiliers et immobiliers, en les confrontant aux passifs, en était arrivé à un solde bénéficiaire de près de 140 000 francs – et encore n’avait-il pas fait de cadeau à l’inculpé…“
… à trop enfoncer le clou sur la bonne santé financière de l’entreprise Seznec, on nourrit le doute chez les plus convaincus – on aurait aimé en savoir davantage sur l’activité du maître de scierie, son carnet de commandes, ses fournisseurs, ses mouvements bancaires, son personnel… circulez, rien à dire, rien à voir…
p. 226 : “Pourtant, il n’est pas dans le besoin, ce Seznec : quand tous ses biens seront liquidés, le solde sera largement positif, nous le savons…“
… il n’y a que la foi qui sauve…
p. 231 : “... Notre assassin place dans la valise de Quéméneur non seulement un exemplaire de la promesse de vente, mais également… l’acte Le Verge, document qui vient de lui servir de modèle pour accomplir sa forfaiture…“
… peut-être cohérent dans le scenario, mais ce fameux double Le Verge fait toujours débat car rien ni personne n’attestent son existence – d’ailleurs l’auteur a bien du mal à se décider, précédemment il nous parle d’un seul exemplaire
p. 236 : “l’avocat général… Guillot a l’apparence d’un vénérable vieillard… il est âgé certes…”
– n’exagérons rien, 52 printemps au compteur et encore 16 années d’activité professionnelle devant lui avant de raccrocher définitivement sa robe.
p.236 : “Maître Alizon… se montrera un adversaire pugnace, dans les faits une sorte de troisième accusateur, alors que, là encore, le code de procédure devrait lui imposer de borner son action à la défense des personnes lésées. En aura t-il des remords ? Plus tard en tous cas, bien après le procès, il se suicidera au gaz avec sa femme.”
– ce qui vaut pour Maître Alizon, vaut-il pour Maître Baudelot ? avec les mêmes conséquences ? – ceci pour montrer qu’il y a des insinuations qui ne grandissent pas son auteur.
p. 236 : “En cela, mon grand-père est semblable à Dreyfus à qui longtemps on reprochera sa froideur…”
– pourquoi pas Jeanne d’Arc pour la prochaine édition ?
p. 237 : (les jurés) “… d’une certaine façon, ils appartiennent au même “clan” que Quéméneur – plus précisément, le conseiller est le modèle de ce qu’ils aspirent à devenir”
– heureusement que cette saillie impayable n’a pas été faite du vivant des jurés du procès de 1924, ils auraient certainement apprécié – rappelons que six d’entre eux, sous l’action de la Ligue des Droits de l’Homme, sont revenus officiellement, en 1934, sur leur décision lors du procès.
p. 244 : “Dans l’après-midi on appelle les témoins. Le premier est le commissaire Vidal. Une photo en première page de l’Ouest-Eclair a montré le “beau Méridional”, comme le surnomme la presse, se dirigeant vers le palais de justice de son pas décidé… A ses côtés, Mle Héranval, dont nous savons – mais on l’ignore encore à l’époque – les liens particuliers qui l’unissent au policier”
– est-il bien nécessaire de tomber si bas ? vacherie, erreur et ragots mensongers, difficile de faire pire. La photo dont il est question a été prise plus d’un an avant le procès, à Morlaix, Vidal conduisant Mle Héranval à la convocation du juge. L’auteur, confondant le Jarlot avec l’Odet, enfonce le clou et nous reparle de cette photo en page 551. Concernant l’insinuation de relations privilégiées entre le commissaire et le témoin, j’espère que Denis Seznec s’est fait fort de lire ce passage savoureux lors de sa rencontre inopinée, au Havre, lors d’une signature, avec la personne concernée.
l’auteur aurait pu avoir l’élégance de tenir compte des déclarations faites en 1955 par Mle Héranval et M. Hodey, il a préféré la version rumeur et ragots, c’est lui qui voit…
p. 260 : “Non seulement mon grand-père a une mémoire imprécise en ce qui concerne les dates et les heures, mais les témoins qui pourraient lui venir en aide ne sont guère mieux lotis, semble-t-il…”
– et pas de chance pour le lecteur, ce trait de la personnalité de Guillaume Seznec s’apparente à une fatalité familiale, c’est du moins ce qu’il ressort de la critique détaillée de l’œuvre de son petit-fils. Quant aux témoins fiables et crédibles, on court toujours après…
p. 265 : (note de bas de page) “Certes il avait été l’un des quelques survivants du cuirassé Danton, coulé aux Dardanelles en 1915 avec des centaines de marins. Mais, recueilli par un navire italien, il avait regagné la France en parfaite santé”
– il y a en fait deux histoire de France : celle officielle, décrite par des historiens patentés et celle bricolée par des bonimenteurs de passage – l’extrait que vous venez de lire, hélas, ne fait pas partie de l’histoire officielle. Reconnaissons qu’il y a quand même une chose exacte : le Danton est coulé. Manque de chance, c’est en 1917 et non en 1915 – et c’est au large de la Sardaigne (épave retrouvée il y a quelques années) et non aux Dardanelles. François Le Her a bien connu le Danton jusqu’en… 1913, avant d’embarquer sur le “d’Estrées” qui contrairement au malheureux Bouvet n’est pas concerné par l’opération des Dardanelles de 1915, il est désarmé fin 1922.
Nous espérons vivement des éclaircissements sur les aventures de mer du matelot François Le Her lors de la prochaine édition.
p. 266 : “Le Her vient déclarer dès le 29 juin qu’il a vu Quéméneur vivant après le 25 mai. Le 29 juin, c’est avant l’arrestation de mon grand-père. Le receveur d’autobus est donc un témoin spontané.”
– L’auteur nous apprend que le 29 est avant le 30 et en conséquence les dires de François le Her ne peuvent être mis en doute. Nous pouvons comprendre ici le manque de discernement de l’auteur, mais on est en droit d’esquisser un sourire. La presse met l’affaire à la Une à partir du 25 et eu égard aux casseroles déjà collectionnées par le gars François à cette date, sa parole est loin d’être parole d’Evangile.
p. 267 : “… J’ai acquis une certitude absolue : Le Her a bien vu et parlé à Pierre Quéméneur après la disparition de celui-ci. Aucun doute n’est permis. Celui qui deviendra mon père était un vrai témoin de survie. Il innocentait Seznec.”
– la méthode Coué, l’auto-persuasion, la foi… c’est bien insuffisant pour lever le doute, surtout dans le cas présent. L’objectivité semble impossible pour l’auteur, disons qu’il est en quelque sorte dans un situation d’aveuglement familial légitime – atteindre une certitude absolue dans le cas présent, c’est très très fort… du grand art.
p. 282 : (lettre faussement signée Jeanne Seznec) “A l’époque, nul ne songera à comparer l’écriture de cette lettre avec celle de certains protagonistes de l’affaire. Soixante-dix ans plus tard, je confierai ce document à un laboratoire qui fera d’étranges découvertes”
– 1926+70=1996 – l’édition qui sert ici est de 2006 et le lecteur que je suis reste sur sa faim quant aux conclusions de l’expert… quel suspens !!
p. 283 – NEP et Secrétariat d’Etat à la liquidation des Stocks
– L’auteur cherche à faire coïncider la mise en place de la nouvelle politique économique de Lénine avec la liquidation des stocks américains, en pensant évidemment aux véhicules US – d’un côté, l’or des tsars et de l’autre les torpédos Cadillac, Dodge… Aucune pièce pour étayer l’argumentation et des éléments cités peu convaincants. Lénine décide de sa NEP en mars 1921, à cette date, à moins de penser mettre toute l’Armée Rouge dans 2/3 cadillacs, il n’y a plus matière à gros achats de véhicules, le service de la liquidation des stocks bâche en janvier 1922, avec une prolongation de 6 mois pour les affaires courantes. L’auteur nous cite le voisin de Pontrieux, Yves Le Trocquer, celui-ci a effectivement la responsabilité du secrétariat à la Liquidation, mais pendant 2 mois : fin novembre 1919 à fin janvier 1920.
Bref, un trafic à grande échelle, super organisé mais invisible, qui ne laisse aucune trace… chapeau les artistes !!
p. 284 : note de bas de page “En 1992, à l’occasion d’un article d’European sur l’Affaire Seznec, le FBI américain produira une photo inédite montrant Dzerjinski, le chef de la police secrète (Guépéou) du gouvernement des Soviets, dans une Cadillac torpédo du même type que celle de Quéméneur, à Moscou en 1923.”
– cette anecdote a fait couler beaucoup d’encre et a couvert de ridicule trois éminents commentateurs : Roger Faligot, Denis Seznec et Bertrand Vilain – faut dire qu’il y a si peu de pièces nouvelles au dossier, qu’à la vue du moindre document la machine s’emballe. Dommage que Dzerjinski ne se soit pas fait tirer le portrait dans une des Delaunay du tsar, on aurait pu faire le lien avec Pont-l’Abbé et Loctudy et en profiter pour évoquer le phare… mais c’est une autre histoire.
p. 286 : “… en s’inspirant de la phrase écrite par Quéméneur au bas de la promesse de vente Le Verge (qu’il a trouvé dans la valise). Ainsi l’énigme de la fausse signature Seznec s’explique…”
– A ce jour, nous n’avons aucune preuve de l’existence d’un double de la promesse de vente Le Verge (ou plutôt d’achat de Pierre Quéméner) – tantôt l’auteur “l’aperçoit”, tantôt il ne voit qu’un seul et unique exemplaire. L’exemplaire fourni par le vendeur a servi pour la première expertise, puis s’évanouit avant l’expertise Samaran (1924). Dans l’hypothèse où deux exemplaires ont existé, ils disparaissent donc quelques mois seulement après l’affaire… étrange, n’est-ce pas, d’autant qu’ils n’avantageaient guère Guillaume Seznec ?
p. 287 : “Lorsqu’il reviendra du bagne, mon grand-père confiera à ma mère, qui s’étonnait qu’il n’ait pas plus dénoncé le trafic des voitures américaines, que c’était son propre avocat, M° Moro-Gaffieri, qui lui avait fortement conseillé de se taire sur le trafic des surplus militaires”
– On dirait du Coluche… entre le moment où l’avocat corse est mêlé à l’affaire (juillet 1923) et l’instant où la question est posée (1947), il s’écoule 24 années pendant lesquelles Guillaume Seznec avait le temps d’écrire plusieurs tomes sur le trafic des cadillacs (ou faire part de ses confidences aux avocats successifs), il n’en écrira pas une ligne, se contentant d’aiguiller laborieusement son chauffeur Samson sur l’adresse du café le Tambour, haut-lieu du négoce parisien des pièces détachées et… plus… si affinités.
p. 287 : “Monsieur Campion… n’était pas en mesure de contrecarrer à la fois le parquet et surtout un policier de la stature de Bonny, “protégé” en haut-lieu.”
– Bonny, le pivot central de l’œuvre, la bouée de sauvetage de l’auteur… faudrait penser à préparer des rustines, près de 90 ans de bons et loyaux services, l’usure se fait sentir. Que le policier véreux ait pu jouer un rôle important lors de l’instruction, possible mais cela reste à prouver, il n’a pu le faire que dans un cadre hiérarchique, en tant qu’exécutant et certainement pas sans l’aval de Vidal et Marlier. Je pense qu’il est grand temps que l’auteur oublie un peu le lampiste Bonny pour nous donner des nouvelles des autres.
p. 288 : “… c’est devant la cour d’Appel de Rennes que viendront se fracasser toutes les demandes en révision, cour d’appel, nous le savons, où Dollin du Fresnel a été promu président à la fin du procès. Comment espérer alors obtenir le réexamen du procès par une cour présidée par celui-là même qui avait conduit les assises de ce même procès ! Et puis, attaquer un jugement, c’est beaucoup, mais attaquer un jugement rendu par un juge breton, c’est beaucoup trop, c’est même inadmissible ! C’est toute la justice bretonne qui se sent offensé…”
– On atteint les sommets. Le lecteur lambda n’a pas lieu de mettre en cause la tirade et applaudit aux propos. Si on rentre dans le détail, c’est une toute autre paire de manches. Dollin du Fresnel est effectivement promu à la cour d’appel de Rennes lors du procès. Il y était en poste depuis juillet 1918 et quitte les lieux en mai 1928, car Tom Ernest est nommé à Bourges. Dans le laps de temps, 1924-1928, combien de demandes de révision viennent “se fracasser” ? Une seule et unique, celle présentée en avril 1926 (rejetée en décembre 1926). Déjà le souffle retombe, la circonspection nous gagne, et lorsque je vous aurai dit que Tom Ernest, le redoutable juge estampillé breton pur beurre par notre “historien”, était natif du Puy (Haute-Loire) et n’avait jamais été en poste en Bretagne avant 1918, vous comprendrez pourquoi il serait préférable que l’auteur avoue écrire des romans, la justice bretonne “offensée” s’en remettrait probablement… et le lecteur aussi.
p. 291 : «Convoquée dans son bureau par le procureur Picard – l’ex-soupirant de Marie-Jeanne – celui-ci déclarant : « tu vois, je l’ai eu, ton Guillaume !, elle lui lance tout le contenu de l’encrier à la figure »
… règlements de compte entre portes capitonnées – imagination fertile de l’auteur ou tout simplement reprise idiote de la prose de Maurice Privat, rien pour rendre l’épisode crédible d’autant qu’il y a de sérieux doutes sur une cour appuyée du procureur vers 1903/1906 à l’endroit de la jeune Marie-Jeanne. Lors d’une conférence récente, l’auteur précise que ce jet d’encrier concerne contenant (en cristal ! dit-il) et contenu… et s’il le dit, c’est que c’est vrai !
en note de bas de page, concernant Picard : « Théodore Picard se suicidera en 1926 en se jetant par une fenêtre dans le Queffleuth, la rivière qui traverse Morlaix »
… faux : Le procureur décède le 4 novembre 1928 – le grand saut dans le Queffleuth suppose que son domicile donne sur la rivière (ce qui n’est pas le cas) ou qu’il se trouve dans un appartement, rue de Brest, donnant à l’arrière sur la rivière (donc dans une des habitations longeant le Queffleuth dans les 300 premiers mètres de la rue de Brest)… voilà un moment que Morlaix attend de l’auteur des détails complémentaires sur cet épisode, qu’à l’évidence, il est seul à connaître.
p. 291 : « En mai 1925, la scierie est mise en vente, la justice ayant considéré que Mme Seznec n’était pas apte à diriger l’affaire… »
rappelons à l’auteur que c’est la même Mme Seznec qui dépose le bilan au tribunal de commerce de Morlaix au début de l’instruction et compte tenu de la pression des créanciers, la liquidation judiciaire était rendue inévitable… la compétence de Marie-Jeanne est hors-sujet
p. 296 : lecture des lettres de 1925 – « On découvre aussi un nouveau personnage : Emile Petitcolas, le mari de Marianne, la sœur de mon grand-père… »
Peticolas est évincé de La Dépêche de Brest en 1910, dès lors on le retrouve menant diverses activités sur Brest et journaliste sur Morlaix, toujours très actif dans diverses associations (sportives, culturelles, professionnelles…) où il côtoie Vérant, Lajat, Le Hir, Rams… Domicilié rue de Brest, il n’était qu’à quelques centaines de mètres de la scierie de Traon-Velin. Sa discrétion relative lors de l’instruction et du procès, confirmée par l’extrait ci-dessus, suscite des interrogations.
p. 299 : « Comment se fait-il que le condamné livre seulement maintenant ces précisions importantes ? Sans doute tient-il ce renseignement d’un détenu rencontré récemment ? »
doit-on en déduire qu’avant août 1925, Guillaume Seznec ignorait l’existence même du Tambour ? C’est supposer qu’il n’a jamais fréquenté le parc automobile du Champ de Mars; son beau-frère Marc, guide parisien du milieu automobile, aurait sans doute pu nous éviter le doute, mais il ne fut guère sollicité
p. 303 : « Extrait d’une lettre de Petitcolas à M° Kahn (20 avril 1926) citant le rédacteur en chef de La Dépêche »
… comme il a été dit plus haut, voilà 16 ans que Petitcolas n’est plus à La Dépêche
pp. 304/305 : « Fin 1926, ma grand-mère repart au combat. La Dépêche publie en effet le témoignage de Mme Lamarque, femme d’un industriel de Brest, qui, le 21 juin 1923… Dès son arrivée à Brest, Mme Lamarque avait rapporté ces faits à son mari et à plusieurs amis puis s’était rendue à la police pour apporter son témoignage, mais elle avait été éconduite… »
… et le lecteur se dit que c’est vraiment pas de bol ! – en plus pas un seul journaliste à l’horizon, le désert ! – il y a quand même des moments où la ficelle est vraiment grosse… Quoique, l’Ouest-Eclair en octobre 1926 nous dit, citant Mme Seznec, que le témoignage avait circulé dans le presse et le public lors de l’instruction et du procès. Alors, du neuf ou du réchauffé de circonstance ? – Sommes preneurs de tout renseignement sur tout industriel de Brest dans les années 20 du nom de Lamarque…
plus tard, on apprendra que le témoignage de Mme Lamarque n’apportait rien à l’histoire – son voyage Paris-Brest en train ne coïncidait pas avec celui supposé de Guillaume Seznec (un jour d’écart)
p. 315 : « Il sait qu’elle s’est ruinée en refusant le divorce qui lui aurait permis de préserver la moitié des biens de la liquidation »
… en suivant le raisonnement, le mieux aurait été de ne pas se marier ou d’établir au minimum un contrat de mariage, mais l’astuce du divorce après liquidation… comme dit l’autre, si ça marchait, ça s’saurait…
p. 318 : « Bien sûr, il ne se mêle à aucun trafic. Non seulement ce n’est pas dans sa nature, mais il a l’esprit ailleurs… »
… c’est cruel, mais la contradiction est apporté par son beau-père (extrait de Presse) : “Il est des gens que rien n’arrête lorsqu’ils veulent s’emparer d’une auto ou d’une somme d’argent qui ne leur appartient pas. S’ils trouvent sur leur route un obstacle, ils le suppriment. Seznec est un bon à rien, incapable de s’attacher à une besogne quelle qu’elle soit. Il achète une propriété, un commerce, une usine, puis une lubie lui passe. Il plante tout là et s’en va ailleurs, c’est ainsi qu’il m’a ruiné.”
p. 320 : « Le service de renseignement attaché à Seznec, pour lui arracher l’aveu involontaire et tardif, n’avait rien obtenu d’un homme qui ne semblait pas se méfier et qui paraissait n’avoir rien à avouer »
… donc on considère que tout est limpide : la séparation des deux voyageurs du côté d’Houdan, l’emploi du temps des 13 et 20 juin… circulez, j’ai tout dit… tout ce que j’avais à dire.
p. 324 : « Toutefois, c’est vrai que ma grand-mère, malgré sa santé fragile, a bien essayé d’aller en Amérique du Sud. Elle s’était fait volontairement engager comme gouvernante pour un petit garçon brésilien. Elle ira faire ses adieux à Jeanne à Lorient… Le couple de Brésiliens qui essayaient d’aider Marie-Jeanne en la faisant venir au Brésil mourront dans un accident de la route. Un accident très suspect selon le journaliste Huzo. Le petit garçon sera envoyé en Suisse par son tuteur après la mort de ses parents… »
… difficile pour tout lecteur de voir une quelconque supercherie dans ce paragraphe, car on ne voit pas de prime abord l’intérêt pour l’auteur de falsifier les faits… et pourtant… que penser de l’évocation du même fait dans « Seznec le bagne » (ed. 2001) :
lettre de Marie-Anne Seznec à son fils : ” Morlaix le 15 mai 1928 – mon cher fils
… « votre femme est actuellement chez deux vieux messieurs à Morigny dans la Seine et Marne où elle se plaît très bien. Elle avait été placée en juillet dernier par M. Hédiard, ami de l’abbé Leroy de Crozon, comme gouvernante d’un enfant de cinq ans chez un Portugais plusieurs fois millionnaire habitant l’hôtel Lord Byron aux Champs-Elysées Paris… Ce portugais a une importante plantation au Brésil où il allait se rendre avec sa famille pour une période de quatre ans. Votre femme devait l’accompagner dans ce pays comme gouvernante de son petit âgé de cinq ans… mais elle a eu tort de se mettre à dos, dès son arrivée, la femme de chambre de ces millionnaires… ils ont préféré garder la toute dévouée personne et remercier votre femme… »
… c’eut été mieux de faire coïncider les deux narrations et c’est d’autant plus ennuyeux que la sortie du livre sur le bagne s’intercale entre deux éditions de Nous les Seznec.
Il n’y a pas que l’accident qui a l’air suspect, on a beau relire, ça colle pas et franchement cela fait un peu désordre – au lecteur de choisir la version romancée ?
p. 327 : « Pendant ce temps, Marie-Jeanne se démène obstinément… Extraits d’une lettre adressée le 14 janvier 1930 à Belz, où elle lui apprend qu’elle a pris la parole dans un meeting… suit la lettre, et… début du paragraphe suivant : « Et le 6 mars : avez-vous remarqué que la nouvelle campagne est menée par le Quotidien ? Je suis allée deux fois à Chartres… »
… et alors, me direz-vous, où est le problème ? Il n’y en a pas si vous devinez (que les plus perspicaces lèvent le doigt) que le 6 mars du deuxième paragraphe s’applique à l’année 1928, et non 1930… dans un roman, il est bien normal qu’il y ait de l’imprévu !
p. 328 : « Un beau jour, un journal local titre : Monsieur Viet pourra t-il dire quand il a vu M. Quéméneur pour la dernière fois… »
… vous changez « local » par « national » histoire de ne froisser personne !
p. 338 : lettre de Charles Huzo : « Jeudi 14 mai 1931… Votre sœur et votre nièce me faisaient savoir qu’elles étaient parties dans le Midi après la mort de votre beau-frère Petitcolas, survenue elle aussi récemment. »
… une petite mise en garde sur la fiabilité des propos de Charles Huzo eut été appréciée, mais l’auteur a déjà fort à faire avec ses propres erreurs… bref, les obsèques du journaliste Petitcolas ont eu lieu il y a trois ans… la relativité du temps permet des approximations… et au lecteur de se battre les côtes
p. 340 : «… la presse n’était pas encore devenue le contre-pouvoir que l’on connaît et gobait, alors, tout ce que lui déclaraient les autorités… »
… il y aurait beaucoup à dire, contentons-nous d’observer que si ce contre-pouvoir existait vraiment, ce blog n’aurait aucune raison d’être… j’attends le jour où j’aurai l’agréable surprise de lire dans un hebdomadaire satirique du mercredi un article égratignant notre auteur… (aussi improbable qu’une critique de l’œuvre de Morvan Lebesque).
œop. 341 : «Certes, mon grand-père est seul, d’autant plus que, tour à tour, Emile Petitcolas puis Charles Huzo sont morts (peu de temps avant et après Marie-Jeanne)… »
… déduction en ce qui concerne Petitcolas : l’année 1928 est « peu de temps avant » l’année 1931…
p. 343 : « Le preux Charles-Victor Hervé est un petit homme rond, bouillonnant, passionné au point d’être excessif, féru d’escrime, catholique fervent jusqu’au mysticisme… »
… son portrait en début de son ouvrage « Justice pour Seznec » ne correspond pas vraiment à un « homme rond », mais ceci est anodin – il y a plus ennuyeux, c’est cette forte adhésion à la religion catholique, est-ce vraiment le cas ? Le personnage est particulier, original, mais son éducation est bien éloignée de préceptes religieux. Chez les Hervé de Pluzunet, la seule religion qui vaille est la République, le père est instituteur et la mère… institutrice, on ne peut mieux faire comme milieu laïc. Ajoutons que le juge Hervé, dans la défense de Guillaume Seznec, a essentiellement collaboré avec la Ligue des Droits de l’Homme, dont les adhérents dans les années 1930 ne sont pas connus pour fréquenter assidument les églises. Alors, conversion tardive sur laquelle l’auteur aurait des tuyaux ?… attendons…
p. 345 : «Mais quand le maître de scierie Guillaume Seznec est accusé du meurtre, leur conscience, sans doute, commence à les tirailler. C’est pourquoi ils en parlent entre eux et racontent l’affaire au café Le Coz. »
… si on suit l’auteur, on a donc là, fin octobre 1924, un témoignage spontané… plus d’un an après les fait; sauf à être sourds et aveugles, comme les copains ils sont au parfum de l’accusation de meurtre depuis fin juin 1923.
pp 348-349 : … les fameuses colonnes, à la portée de tout collé au certif – Elles nous apprennent quoi, les belles colonnes du camarade Hervé ?
«Seznec se trouvait dans une situation aisée… »
« … on constate que sa situation était plutôt florissante… »
… lorsqu’une bonne prête de l’argent à son patron, cela veut toujours dire que ce dernier est très riche – et lorsqu’une affaire est mise en liquidation judiciaire c’est un signe qu’elle est en plein essor…
« … il y eut procès et plainte contre un avoué de Morlaix qui porta plainte à son tour »
… remettons un peu d’ordre : il y eut courrier adressé au tribunal par Seznec/de Jaegher et contenant des propos calomnieux envers un avoué morlaisien – cela déclencha une plainte de l’avoué, puis un procès qui condamna très légèrement le duo Seznec-de Jaegher (le tribunal, étant donné les circonstances, joua l’apaisement)
« C’est tout cela l’histoire du premier incendie volontaire !… – Quant au deuxième incendie attribué à Seznec voici : En 1913… »
… le deuxième est en fait le premier… l’auteur reporte les erreurs d’Hervé sans sourciller, il est vrai qu’il commence à se méfier des notes de bas de page, ça ne lui réussit pas…
suit la promenade à vélo entre Brest et Plomodiern (entre Chateaulin et Plomodiern dans la première édition… difficultés de compréhension des belles colonnes d’Hervé ?) et l’arrivée au chevet de sa femme et le fameux incendie :
« Fatigué, il arriva un peu avant la nuit… il veillait sa femme qui venait d’accoucher de son aînée Marie, lorsqu’on le prévint qu’un incendie s’était déclaré chez son beau-père et que son magasin de cycles allait brûler… »
… on a donc là, la version Hervé… que l’auteur bricole à sa façon pour nous servir sa version définitive (p. 73)
« Il est timide… et clairvoyant en affaires »
… heureusement pour lui, on n’ose pas imaginer… s’il ne l’avait pas été…
« En réalité, Seznec, très pieux, était un bon fils, bon époux, bon père, très débrouillard et travailleur acharné. Ces renseignements nous ont été fournis par son compatriote, le maire de Plomodiern, Conseiller Général de Chateaulin, et sont l’expression de la vérité. »
… Ce même maire a témoigné au moment où la gendarmerie enquêtait sur une Cadillac remisée par Guillaume Seznec chez un cousin, son témoignage figure dans l’ouvrage de Bernez Rouz (p. 46/47) et se termine ainsi : «… Cet homme n’a pas une très bonne réputation au point de vue de la probité. » – alors, un maire qui souffle le chaud et le froid ou un ancien juge qui prend ses désirs pour des réalités ?
p. 354 : « Il est monté à mes côtés et on est partis. Ma fiancée nous accompagnait… »
… dans la famille Bolloc’h, on demande la fiancée dont on attend toujours le témoignage
p. 354 : « … Je suis reparti pour Guingamp avec ma fiancée. Et puis, ma femme et moi, on a lu dans La Province vos articles… »
… attention, on débute la première phrase en mai 1923, on saute en 1931 pour la seconde et le témoin sort de l’anonymat une fois Seznec libéré… on n’est pas du genre pressé chez les Bolloc’h
p. 355 : « C’est à cette époque qu’emporté par sa fougue Charles-Victor Hervé dépasse la mesure… En 1932, le journaliste Maurice Privat, très influencé par Hervé, fait paraître un livre…. »
… et il ne fait pas dans la dentelle, le citoyen Maurice. De son bureau parisien, rien ne lui échappe, surtout pas les histoires d’alcôve – après la romance de Marie-Jeanne avec le « jeune » Théodore sur les bords de l’Aulne, nous voici sur les bords du Trieux pour les rencontres furtives de Louis Quéméner avec sa maîtresse anonyme. Maurice Privat est à la recherche historique ce que la collection Harlequin est à l’ethnographie, du moins dans l’Affaire Seznec. Ceci n’empêchant pas, bien entendu, notre auteur d’y puiser ses sources historiques.
p. 359 : « Un certificat médical attestant qu’il se trouvait à ce moment-là chez lui, à Chelles, lui avait permis de se disculper. »
… Alphonse Kerné, voilà un personnage intéressant sur lequel nous aurions aimé en savoir plus, car si le coup du certificat médical est imparable, il mérite réflexion et recherches. Seulement, quand on est sur Bonny, on n’est pas ailleurs… et comme on y est souvent…
p. 370 : ” Dans l’Affaire Seznec, la recherche de la vérité est une longue, très longue patience… “
… il faudra bien que l’auteur nous explique un jour ce qu’il entend par “recherche de la vérité “
p. 374 : ” Le 11 mai 1939, Match publie une grande photo de mon grand-père, en bagnard, près du sémaphore de l’Ile Royale. Il détourne un peu la tête car il ne veut pas être photographié... “
… bien entendu, le photographe de Match est venu incognito et a contraint Guillaume Seznec à prendre la pose
p. 378 : ” Nul ne songe à lui demander des comptes sur ses agissements dans l’Affaire Seznec ni sur les scandales politico-financiers de la IIIe République où il a été mêlé… “
… il s’agit d’un procès pour faits de collaboration, concernant douze prévenus – Pierre Bonny n’en était pas à son premier passage dans le box des accusés et avait déjà dû répondre de ses faits et gestes dans des histoires troubles – par ailleurs, lors de l’instruction et au cours du procès, il ne s’est pas privé de donner des détails sur l’organisation de la Carlingue, impliquant nommément bon nombre de “collaborateurs” et jetant le trouble dans le milieu de la résistance – au stade où il en était, faire des confidences sur l’affaire Seznec relevait de l’anecdote, rappelons quand-même qu’en décembre 1944 la guerre se poursuit, cela relativise l’indignation sinon l’étonnement de l’auteur.
p. 378 : ” Au docteur Paul, le médecin légiste qui va constater la mort, Bonny déclare : – Je regrette d’avoir envoyé au bagne un innocent “.
… quel crédit peut-on accorder à cette phrase que l’on retrouve citée en boucle : livres, conférences, attendus de la Cour de Cassation…? – à qui, où et dans quelles circonstances le docteur Paul a t-il fait cette confidence pour la première fois ? – le fameux médecin légiste n’a pas toujours brillé par sa compétence ou sa clairvoyance (affaires Daudet, Cadiou, affaire Stavisky où il doit s’expliquer au tribunal sur des certificats de complaisance indiquant Stavisky comme inapte à la détention…)
p. 379 : ” Cette grâce que certains attribueront à Vincent Auriol…. nous savons, dans ma famille, que c’est au général de Gaulle que nous la devons et que c’est un de ses ministres, M. Tanguy-Prigent, qui est intervenu auprès du Général “
… il n’est pas une intervention publique de l’auteur sans qu’il soit question de la grâce de De Gaulle – cependant, il s’agit bien d’une remise de peine collective accordée par Félix Gouin en février 1946, Charles de Gaulle ayant démissionné quelques semaines avant – le décret était-il dans les tuyaux ? probable – on est, à cette date, dans le cadre de la fermeture effective du bagne de Guyanne, en conséquence les remises de peine sont courantes et conduisent à des rapatriements en nombre – vouloir à tout prix faire croire qu’il y ait eu une attention particulière par de Gaulle pour le bagnard Seznec, cela fait bien dans le tableau, mais c’est de l’histoire à la petite semaine, ou alors, comme pour les autres affirmations, il faut prouver, cela permettant de clore le sujet (dernièrement, lors de son audition à la mission d’information sur la justice pénale, l’auteur a évoqué un courrier de de Gaulle transmis à la famille, il serait peut-être intéressant d’en savoir plus).
p. 384 : “ La première chose que je ferai en arrivant au pays, dit mon grand-père…. ce sera de fleurir la tombe de Marie-Jeanne...” … et…
p. 349 ” Au petit matin, dans la brume, la voiture où a pris place mon grand-père démarre, aussitôt suivie de son escorte de journalistes. pendant tout le trajet, ils ne le quitteront pas d’un instant, se précipitant dès qu’il descend de voiture, l’accompagnant au cimetière quand il va se recueillir sur la tombe de sa femme… “
… attention fort compréhensible et louable de Guillaume Seznec que celle de placer, en priorité, une visite sur la tombe de son épouse, mais qu’en est-il des faits ? – encore une fois, l’auteur mène ses lecteurs en bateau, Marie-Jeanne a été enterrée au nord de Paris, au cimetière de Saint-Ouen (atteint par les bombardements en avril 1944) et non “au pays”, en conséquence l’arrêt au cimetière lors du trajet Le Havre/Plourin-Ploudalmézeau est de la pure fiction
s’il s’était donné la peine de se renseigner, l’auteur aurait évité ces inexactitudes et aurait pu évoquer la visite (réelle) de Guillaume Seznec (accompagné de François Le Her) sur la tombe de Marie-Jeanne, le 17 juillet 1947 (c’est-à-dire quinze jours plus tard)
p. 386 : ” Et toute la Bretagne apprend avec émotion le retour de celui qu’elle considère, encore et toujours, comme son héros. Dans le moindre petit hameau, dans le plus modeste village, on fête ce retour… “
…. Maurice Privat n’aurait pas fait mieux… qu’il n’y ait aucun article de presse pour corroborer ses dires ne semble pas gêner l’auteur… et le fait que le “héros” soit enterré en 1954, à Plomodiern, dans l’indifférence générale (à l’exception de la presse), ne modifie en rien son jugement
p. 387 : ” … Louis Quéméneur vit prostré dans un hospice… “
… nous somme en 1948, or à la fin de cette année-là, un journaliste parisien en mal de sensationnel, organise une rencontre surprise entre Guillaume Seznec et Louis Quéméner – elle a lieu dans l’enclos paroissial de Saint-Thégonnec, quelques mots sont échangés et les deux “people” sont photographiés, près du calvaire, se serrant la main… en regardant la photo, on a un doute : soit on ne maîtrise pas bien le sens du mot prostré, soit l’auteur une fois de plus s’écarte de l’exacte exactitude… – sur le même sujet, dans son ouvrage, Y.-F. Jaffré nous dit : “Puis s’apercevant qu’il était en face de Seznec, il bondit vers l’église et s’y réfugia” (disons qu’entre “prostré” et “bondit”, il y a de la marge)
p. 389 : ” Ils avaient fait la connaissance de Le Her par hasard à Paris, puis avaient débarqué, un beau jour de juillet, chez lui en Bretagne, se présentant comme un couple dans le besoin. Ils avaient facilement convaincu mon père, qui avait bon cœur malgré tous ses défauts, de leur offrir l’hospitalité pour quelque temps. En échange Emilien Florent devait remettre en bon état mécanique l’automobile. Ils s’incrusteront trois mois…“
… tentons d’y voir clair, pour cela aidons-nous des dépositions de Jeanne Seznec (JS), de Florent Emilien (FE) et de Lydia Nicaud (LN – veuve Olliveau) faites lors de l’instruction de la “tragédie” du 3 octobre 1948 :
– Jeanne Seznec et Lydia Nicaud font connaissance à Paris en 1920/30 et ne se revoient, par hasard, toujours à Paris, qu’en 1945 – à cette occasion, Lydia Nicaud fait la connaissance de François Le Her (déclarat. LN)
– en juillet 48, Lydia Nicaud et Emilien Florent croisent François Le Her dans un café de Paris, ce dernier les invite à passer quelques jours à Kergleuchard, se faisant fort de trouver du travail pour l’ami de Lydia Nicaud – ainsi le couple y passe trois jours à fin août et revient sur Paris (déclarat. LN)
– le 20 septembre, le couple arrive de nouveau à Kergleuchard et en l’absence de travail pour Emilien Florent, François le Her lui propose de retaper le moteur d’une camionnette (déclarat. LN)
– le 29 septembre, les époux Le Her se déplacent à Paris avec leur fils Bernard, laissant la garde des autres enfants au couple Florent/Nicaud jusqu’au 2 octobre, date du retour à Kergleuchard du couple Le Her et veille du jour fatidique (déclarat. de EF)
je ne souhaite pas commenter davantage cet épisode tragique, il n’y aurait eu que ce passage “arrangé” dans l’ouvrage, il n’y avait pas lieu de crier à l’imposture… mais trois fois hélas ! on en est loin, très loin
une remarque cependant : si on ajoute 12 jours à 3 jours et qu’on ne se trompe pas dans l’addition, on reste nettement en deçà de trois mois “d’incrustation” – était-ce bien utile d’en rajouter ?
p. 390 : “Il s’avérera plus tard qu’Emilien Florent était en réalité un ancien légionnaire et que Lydia Olliveau n’était pas bien sûr, sa petite amie mais une prostituée qui lui servait à donner le change…“
” cet inconnu se révélera être un inspecteur de police. Et pas de n’importe quelle police : de la DST !“
… le roman s’étoffe… et, fatalement, la vérité s’éloigne… à moins que la prochaine édition nous donne des précisions… on peut rêver…
p. 390 : “J’ai acquis l’absolue certitude que toutes les conditions avaient été soigneusement réunies pour que ce drame éclate“
… je concède, que dans un tel cas de figure, croire au complot est sans doute salutaire… sauf, que ce qu’est censé lire le lecteur est “un modèle de contre-enquête” et il est en droit d’attendre des preuves correspondant à une certitude, surtout si elle est… absolue (si quelqu’un peut nous tuyauter sur une certitude non absolue, c’est pas de refus…)
p. 391 : ” Qui a donc le pouvoir d’attribuer illégitimement une pension militaire ? “
… d’édition en réédition, l’auteur nous pose la question, mais visiblement il ne se la pose toujours pas, du moins c’est ce que déduit le lecteur lambda en attente depuis 20 ans d’un début de commencement de réponse de la part de notre contre-enquêteur…
p. 396 : ” Mais avec ce que je sais aujourd’hui – la réalité incontestable du témoignage de Le Her et la certitude que ce même témoignage a été modifié sous la pression de la police…“
… les dires de François Le Her sont autant sujet à caution aujourd’hui qu’en 1923/24, et il n’avait guère besoin d’une pression quelconque pour modifier son témoignage, il s’en chargeait bien tout seul… mais si le fils détient des éléments donnant un crédit “incontestable” à la parole de son père, surtout qu’il ne se gêne pas, on serait ravi d’en prendre connaissance
p. 409 : ” … ému de fouler le sol de cette propriété qu’il avait acheté, jadis, pour s’y installer avec sa famille et y vivre des jours heureux. Il est chez lui après tout. Les dollars-or, il les a bien donnés à Quéméneur… “
… aucune contestation possible, Guillaume Seznec l’a dit, son petit-fils le répète… donc c’est vrai… d’ailleurs il serait peut-être temps de se préoccuper de savoir s’il ne reste pas quelques pièces égarées sous une table de la terrasse de l’Hôtel des Voyageurs
p. 410 : ” Ainsi mon grand-père est mort. Soixante-seize ans, toute une vie – dont un tiers passé au bagne… ”
… Guillaume Seznec part pour le bagne le 7 avril 1927 et en sort le 1er mai 1947, c’est-à-dire 20 ans plus tard – donc, si on veut se rapprocher de l’exactitude, si chère à notre auteur, on est plus près du quart que du tiers – au point où nous en sommes, nous acceptons l’approximation…
p. 411 : ” Mais il aura été écrit que, même mort, la justice ne laisserait pas mon grand-père en paix, car le 16 février le parquet ordonne une autopsie…”… puis plus loin :
“Le rapport d’autopsie établi par le Pr Pieddelièvre est rendu public. Il indique que le décès de Guillaume Seznec est la conséquence directe de son accident. Le 17 janvier 1955, ma mère et mon frère aîné, assistés par un jeune avocat, M° Badinter, déposent plainte. La mort accidentelle de mon grand-père nous a toujours semblé suspecte…“
… personne du parquet ne s’est réveillé un beau matin en se disant “tiens, et si aujourd’hui on faisait autopsier Guillaume Seznec” …
… remettons les choses dans l’ordre (le 17 janvier passant donc avant le 16 février), à ce moment-là doit-on toujours penser acharnement de la justice en ce qui concerne cette autopsie, ou suite logique de l’action entreprise par la famille par l’intermédiaire de son avocat ?
…- volonté de tromper le lecteur ou étourderie passagère répétée depuis 20 ans ? – j’ai ma p’tite idée… pas vous ?
p. 412 : “Bien sûr, je me suis livré à une petite enquête. Le 18 juillet 1948, René Bonnefoy a été effectivement condamné à mort par contumace. Depuis, il se cachait dans le quartier des Gobelins. Jusqu’au 15 mars 1955, jour où il se présenta devant la Haute Cour de Justice (celle-ci réduira sa peine à cinq ans d’indignité nationale) “
… toujours fâché avec les dates, notre écrivain-enquêteur : nous rectifierons le 18 juillet 1948 en 17 juillet 1946 (le “personnel” de Vichy est jugé en juin 1946) – nous préciserons aussi que le spécialiste de l’information à Vichy se présente aux services de police début janvier 1955 (après l’amnistie de 1954, pas idiot notre écrivain de science-fiction), il passe rapidement devant la Haute Cour de Justice, le premier jugement tombe le 26 janvier (indignité nationale à vie) et un second jugement le 15 mars, ramène la peine à 5 ans d’indignité nationale.
… la devise de notre historien : pourquoi faire exact si on peut contenter le lecteur par de l’à peu près
p. 412 : ” Guillaume Seznec assassiné ? Beaucoup de gens le pensent. Je me garderai de l’affirmer, en me livrant à des supputations sans preuve…“
… un éclair ? un moment de lucidité ? – possible… mais alors vraiment bref, très bref, car 5 lignes plus loin… :
” … la campagne pour la revision de son procès risquait de faire sortir au grand jour certaines révélations sur le trafic des Cadillac, un trafic dont j’ai dit à quel point il avait été couvert, sinon organisé, par les sphères dirigeantes du pouvoir…“
… deux hypothèse : soit nous sommes devant un cas désespéré, soit l’auteur cultive le secret et nous dévoilera des documents chocs dans la quinzième réédition – à chacun de faire son opinion… j’ai la mienne…
p. 416 : ” … il est bien regrettable que le livre de Claude Bal souffre d’un manque de rigueur, ce qui enlève beaucoup de crédibilité à son travail d’enquêteur “
… selon l’expression consacrée : c’est l’hôpital qui se fout de la charité…
P. 417 : ” Sans avoir été, à ma connaissance, mandaté pour cela, il introduit une requête en revision du procès de Seznec “
… très bien, à ceci près, (qu’à sa connaissance), l’auteur savait très bien que mandat signé était donné à Claude Bal, par ses deux oncles – sa mère étant alors en opposition avec ses frères – il y a vraiment des fois où le lecteur a le fâcheux sentiment d’être pris pour un imbécile…
p. 417 : “… L’avocat de la partie civile n’a pas dû digérer sa cuisante défaite au procès de ma mère“
… on peut donc déduire que Maître Jaffré fut la seule personne surprise par le verdict de clémence de la cour d’Assises
p. 417 : “…. si je cite ce livre – bourré d’erreurs ou d’inexactitudes -…“
… que le lecteur se rassure, il ne s’agit nullement d’un ouvrage écrit par notre historien-enquêteur…
p. 418 : “... Il cite des rapports officiels… qui établissent la réalité du trafic des Cadillac.“
… faux – le fait qu’il y ait eu trafic avéré des stocks américains, dont des véhicules de marque Cadillac, ne signifie nullement qu’il y ait eu un trafic spécifique des Cadillac… la réalité historique évoquée maintes fois par l’auteur n’est que du vent… 90 ans après le trafic en question, on attend toujours la première pièce du dossier…
p. 423 : ” Ensuite, songer à interroger aussitôt que possible tous les témoins encore vivants. Et d’abord ma famille… Ma sœur et mes deux frères s’étaient mariés. Restaient ma mère, moi… et sa valise“
… l’auteur se situe en 1964, nombre de témoins (famille et hors-famille) étaient susceptibles de fournir des renseignements – ses aveux lors de conférences et ses ouvrages démontrent qu’il ne s’est pas donné la peine de contacter ces personnes, pour quelles raisons ? mystère – sa mère, Jeanne, n’avait pourtant pas hésité à rendre visite à Louis Quéméner, l’auteur pouvait très bien prendre le même chemin pour rencontrer Marie-Anne Quéméner (sœur de Pierre et Louis)… et bien d’autres, notamment dans la famille Marc…
p. 424 “… bien des défenseurs de mon grand-père avaient agi trop hâtivement, trop passionnément, avaient commis des approximations, des erreurs…“
… oui, mais avec un petit-fils “d’autant plus furieux”, on allait voir ce que qu’on allait voir… et on a… vu !
p. 424 : ” Une chose, en tout cas, était sûre, intangible : mon grand-père était innocent…“
… ce n’est pas un début de contre-enquête, c’est un entrée en religion…
p. 429 : “… La découverte des lettres que Marie-Jeanne écrivait à Guillaume…“
… il serait sans doute intéressant de faire une étude comparée de ces lettres avec les écrits d’Emile Petitcolas, beau-frère de Marie-Jeanne et architecte de la défense post-condamnation de Guillaume Seznec…
p. 433 : “ … notre avocat déposait, au nom de ma mère, une requête en revision auprès de garde des Sceaux, Alain Peyrefitte. C’était de loin la plus charpentée, la plus solide.”
… cela donne une idée de la consistance des autres demandes de révision… on peut raisonnablement se poser la question du pourquoi d’une telle stratégie de défense… faire le moins possible tout en donnant l’impression d’en faire des tonnes… et 90 ans que cela dure…
p. 435 : “… la tombe de mon grand-père était toujours comme nous l’avions voulue : sobre et sans fioritures…“
… toujours ce besoin d’en rajouter, quitte à friser l’indécence
p. 435 : ” … ce bourg dont une partie des habitants avait laissé se propager, en son temps, cette rumeur sur l’incendie volontaire du magasin à vélos...”
… faute de preuves, l’enquête policière a retenu l’incendie accidentel, mais la lecture du dossier d’enquête laisse songeur et si on y ajoute les propos tenus par Jean Corentin Marc en 1923, le doute est permis – rappelons quand même que l’auteur ne fait pas dans la dentelle pour nous démontrer l’impossibilité d’une implication de Guillaume : revenant en urgence de Brest, du haut de sa selle de vélo, il aperçoit les flammes… – tous les témoignages contredisent cette énormité, l’heureux père était bien sur place au moment des faits – combattre une rumeur par un gros mensonge, c’est pas brillant…
p. 435 : ” Et puis j’ai trouvé la maison de mes ancêtres, à Kerwennec… Je l’avais recherchée longtemps un peu partout dans le Finistère, alors qu’elle ne se trouvait qu’à deux kilomètres à peine de Kerneol.”
… cette recherche héroïque étant aussi difficile que celle d’un bureau de poste dans un chef-lieu de canton, on est de plus en plus perplexe sur les compétences de notre “contre-enquêteur” – par ailleurs, le village cité est celui d’une épouse Seznec, où un couple Seznec y demeure quelque temps, mais ne peut être considéré comme le village d’origine de la famille… vous me direz, tout dépend où on s’arrête dans la généalogie…
p. 436 : ” Seznec viendrait du breton Saezeun (rayon de soleil), cela expliquerait alors pourquoi la maison de mes ancêtres s’appelle Kerneol (maison du soleil)...”
… c’est de la toponymie façon Harlequin
p. 438 : ” J’en suis resté stupéfait. Un homme aurait donc participé à la mise au point des faux ?“
… ou une femme… ? … ou sinon, le Saint-Esprit ?
p. 445 : ” On retrouva des dossiers contenant des pièces officielles, et même le carnet militaire de mon grand-père“
… on est en 1979 et on attend toujours la publication des documents… on est impatient de savoir si le coup de main de Guillaume Seznec à la poudrerie d’Ouessant est mentionné dans son carnet militaire (une année, vers 1916/17, information donnée précédemment par l’auteur)
p. 449 : ” Si la cour d’assises avait su que mon grand-père ne mentait pas, si elle avait su que Quemeneur se livrait à un trafic de voitures américaines dont la réalité est aujourd’hui établie…“
… une petite louche, dès fois que le lecteur n’aurait pas encore compris
p. 449 : ” Mais au fil de ces années – de 1982 à 1986 – j’avais l’impression que, si je me gorgeais d’informations, je tournais cependant un peu à vide…“
… le constat fait en 1986 reste valable pour 2013… statu quo, on ne change rien et on continue…
p. 450 : ” Fin 1986, j’avais quitté la coopérative de presse que j’avais contribué à fonder. Quatorze années de travail – mais surtout de passion – au sein d’une entreprise, Publications-Elysées, considérée à l’époque comme le plus beau fleuron de la profession…“
… effectivement, pas n’importe quelle maison, la vitrine (la danseuse disent certains) de la puissante CGT du Livre – des bureaux sur les Champs-Elysées, un outil à la pointe, une clientèle “obligée” et docile… mais revers de la médaille, des obligations syndicales maintes et variées et défense de sortir des clous (ceux plantés par le “vrai” patron, courroie, en ces temps reculés, du gardien du temple, sis place du Colonel Fabien)
…… ceci dit, force est de constater qu’une fois de plus l’auteur semble souffrir de troubles de mémoire : Publications-Elysées, en tant que société ouvrière de production n’existe que depuis mai 1983 (date de déclaration au greffe de la création de la société) – si même sur son parcours professionnel, l’auteur n’est pas fiable, nous voilà dans de beaux draps !
… on attend avec impatience la prochaine réédition pour des informations complémentaires sur le parcours professionnel et politique de l’auteur… nous sommes nombreux à ne pas avoir tout compris… notamment le cheminement du rouge vif au bleu marine…
p. 447 : ” Ma mère n’avait été dévouée qu’à son père. Si elle a épousé le témoin de son père, c’était une façon de ne pas le perdre de vue...”
… ce s’rait pas un peu tiré par les ch’veux, dommage de prendre systématiquement le lecteur pour un demeuré…
p. 457 : ” C’est en quittant les îles de Salut que j’ai décidé d’accoler le nom de Seznec au mien…“
… tant qu’on y est, peut-on savoir quand et pourquoi le “mien” (le vrai nom, Le Her) a depuis disparu corps et biens ?
p. 459 : ” Autrefois Morlaix avait été la ville hostile par exellence, car bien des ragots y avaient terni la réputation de Seznec, l’étranger – il venait de la Cornouaille !, Marie-Jeanne bénéficiant, elle, de l’estime générale.“
… nous revoilà avec du Maurice Privat… au fait, enlevez-moi un doute, Marie-Jeanne ne serait plus cornouaillaise ?
p. 460 : ” Frédéric Pottecher clamera : “Pour moi, cela ne fait aucun doute, Seznec a été la victime d’une machination diabolique de l’inspecteur Bonny…“
… Bonny, le maître et l’artisan des basses œuvres… un costume un peu trop grand pour lui en 1923, mais à force de retouches, il a fini par devenir présentable…
p. 460 : “Malgré le soutien de la population bretonne et des médias…“
… une p’tite dose d’exagération… ça mange pas d’pain…
p. 462 : “ soit que nous étions trahis par un défenseur qui, après s’être approprié la cause, privilégiait son image personnelle ou sortait un livre…“
… pour un peu, il aurait fait des conférences… quel toupet, quand même !!
p. 463 : ” Devenir accusateur pour mieux prouver l’innocence était un défaut..“
… sauf en ce qui concerne Bonny, Gherdi, Pouliquen… mais ça vous l’aviez compris, ça tombe sous le sens…
p. 464 : ” J’ai donc révisé la loi sur les révisions. Un comble !“
… non, le comble c’est de ne jamais avoir révisé son propre bouquin, ni les rééditions successives… il est vrai que la préface insiste sur le fait que l’ouvrage est parfait… donc, effectivement, pourquoi perdre son temps ?
p. 471 : ” … j’ai demandé à M° Jean-Denis Bredin et à M° Yves Baudelot de bien vouloir renforcer notre défense. Ils ont aussitôt accepté, et, comme tous les défenseurs au cours de notre histoire, sans qu’aucune rétribution ne soit envisagée.”
… don de soi et désintéressement, c’est connu, est la devise de la profession. On ne peut qu’être touché par une telle générosité… avant de partir dans un fou-rire incontrôlable et communicatif…
… léger bémol… qui nous est donné par la plume de Charles Huzo (dans Seznec le bagne) – dans une lettre qu’il adresse à Guillaume Seznec le 13 juin 1931, on lit ceci : “… Il m’a avoué qu’il fallait de l’argent pour cette affaire, voilà son désintéressement, et qu’en déposant une demande en révision pour les faits de Plourivo, il en trouverait aussitôt. Vous en saisissez maintenant l’écueil“
décryptage : l’avocat du moment est Maître Luciani, celui-ci, avant d’entreprendre une action, demande des pièces à Hervé pour constituer un dossier sur les faits de Plourivo, le raisonnement étant : l’action a un coût, financé par le client ou par la réussite de l’action menée et pour cela il faut dès le départ un dossier ficelé… dans le cas d’Hervé, aucune des solutions n’est possible, donc il intervient auprès de la famille pour changer d’avocat… conclusion : c’est bien l’argent le fond du problème et l’auteur lui-même en convient en faisant dire à Guillaume, en réaction au courrier d’Huzo : “Les loups hurlent avec les loups. L’argent. L’argent. La justice les a dépouillés…“
p. 472 : ” Notre attitude n’avait jamais varié depuis 1924, nous voulions la réhabilitation et rien que la réhabilitation. Pas question de faire des affaires avec l’Affaire“
… franchement, il serait bon de supprimer ce passage pour la prochaine réédition… à ce train-là, avocats de renom et auteurs à succès vont se retrouver aux Restos du Cœur…
p. 472 : ” (M° Langlois) Pendant quatorze ans, il se sera investi sans la moindre compensation financière…“
… on veut bien le croire, probablement l’exception dans la longue liste des défenseurs patentés de la famille
p. 473 : ” … je me suis décidé à relever un immense défi et réaliser le projet le plus prétentieux qui soit : écrire un livre. Mettre par écrit le résultat de mes vingt années de contre-enquête et livrer, enfin, notre vérité, à nous les Seznec.“
… rien à redire, sinon que vouloir faire passer la vérité familiale pour la vérité tout court… ben, c’est pas gagné !
p. 473 : ” La difficulté était de réaliser un livre qui soit le plus objectif possible, car, écrit par le petit-fils, il sera soupçonné, a priori, de parti pris. La moindre inexactitude, et c’est toute ma crédibilité qui s’écroulera“
… le tout, comme on l’a déjà dit, est de s’entendre sur le mot inexactitude – car si on prend la définition académique, le lecteur ne lit pas l’ouvrage, ou plutôt il lit l’avertissement et s’arrête au décodage du tableau généalogique (un chef-d’œuvre du genre) et là, voyant que sur la dernière réédition, Petitcolas décède toujours trois ans après ses obsèques officielles (1931 au lieu de 1928), il referme le pavé et le met de côté pour la prochaine foire à tout locale…
p. 476 : “M° Pouliquen, si Quéméneur était simplement disparu, n’héritait de rien. S’il était assassiné, sa femme recevait tout (Jenny, l’autre sœur de Quéméneur, s’était retirée au couvent et avait renoncé aux biens de ce monde).“
… un coup de moins bien chez notre auteur ? – on est en droit de se poser la question à la lecture des deux lignes qui précèdent. Peu importe le cas de figure, Jean Pouliquen est hors-succession (sauf précision testamentaire). Pierre Quéméner, si assassiné, voyait (façon de parler) son héritage partagé entre ses frères et sœurs. L’auteur a l’air de savoir que Jenny n’a pas pris de disposition testamentaire lors de son entrée au couvent, possible… il aurait donc eu aussi, à cette occasion, des précisions sur la succession effective de Pierre Quéméner et dans ce cas il saurait pertinemment que Marie-Anne Quéméner (épouse de Jean Pouliquen) n’est pas la seule héritière, loin de là… et Louis, on en fait quoi… et les autres ??
… franchement, ce passage à lui tout seul donne en idée du sérieux de l’ouvrage… et dire que ces âneries sont débitées d’interviews, en conférences, en dîners-débats… Une crédibilité basée sur du boniment, de l’esbroufe… le pire, c’est que ça marche… vingt ans de pratique et toujours les mêmes ficelles…
p. 481 : lancement de la promo par l’Associated Press : ” Ce livre restera comme un modèle de contre-enquête exemplaire et un document de référence qu’il ne sera désormais plus possible d’ignorer“
… ce commentaire on ne peut plus élogieux devenant dès cet instant, pour 30 ans, le slogan de campagne de notre écrivain-enquêteur. Complaisance de la profession ? toujours est-il que la promotion fonctionnera à plein régime et que certains n’ont toujours pas changé de braquet, les articles parus dans la presse lors des représentations de la pièce d’Hossein le prouvent… (les papiers parus dans l’hebdo satirique du mercredi… un modèle du genre – dommage que Bernard Nicolas n’assiste pas à la fin de l’histoire)
p. 483 : ” … j’entends l’académicien Michel Mohrt rapporter en direct ce que son père, juge à Morlaix, avait entendu à l’époque de la bouche d’autres magistrats…“
… précision : Fernand Mohrt était magistrat occasionnel, élu juge-suppléant en 1930 au tribunal de commerce par ses collègues commerçants, pour ce qui le concerne il exerçait la profession de bonnetier-chemisier
p. 486 : ” Au fil du temps, la lutte de ma famille est devenue celle de toute la Bretagne, qui reconnaît en elle son opiniâtreté farouche et sa fidélité aux siens “
… bien sûr, bien sûr… et merci pour le coup de violon…
p. 489 : ” Des questions cependant me brûlent les lèvres : mais pourquoi le juge Hervé n’avait-il jamais fait état officiellement de cette découverte ?“
… cela ressemblerait presque à un début d’impertinence… on attend la suite : pourquoi l’anonymat du citoyen Le Bolloc’h ? pourquoi le refus d’Hervé de témoigner lors du procès Privat ?…
p. 489 : “Le 21 décembre 1992, une information vient compléter toutes celles confirmant le trafic avec les Soviets…” – suit un long passage sur la fameuse photo du FBI qui illustrait un article de The European (on y voit Dzerjinski, chef de la Guépéou, dans une Cadillac – photo prise dans une rue de Moscou)
… nous avons déjà eu l’occasion de dire que cette histoire foireuse, utilisée par Faligot et notre auteur pour donner un semblant de consistance au trafic de Cadillac vers les soviets, contestée et utilisée également par un “grand historien” (associé dans son œuvre à un spécialiste américain de l’automobile ancienne) en mal de reconnaissance, a surtout servi à nos trois commentateurs pour se couvrir de ridicule – un sommet, de part et d’autre, dans la recherche historique…
p. 478 : ” Le 26 février 1993, rebondissement de taille… Je la regarde avec stupéfaction. Ainsi j’aurais devant moi Mme Louise Héranval, la vendeuse de machine à écrire du Havre…“
… donc, surprise de taille pour l’auteur… et aussi pour le lecteur, car 60 pages avant, il a pu lire un commentaire sur le déplacement de l’auteur au Havre, vingt ans avant, dans le but de rencontrer… Mme Louise Héranval : “Un beau jour, j’ai débarqué chez cette dame, au Havre…” (doit-on considérer sa casquette de journaliste comme circonstance atténuante à cette attitude qui frise l’indécence ?)
p. 501 : ” … Nous décidons d’entreprendre des fouilles, discrètement, avec l’aide d’amis sûrs… Une pelle excavatrice géante nous a été prêtée avec ses chauffeurs et le criminologiste, accompagné de gros bras…“
… j’aurai p’tet pas mis discrètement… mais après tout, c’est l’auteur qui voit…
p. 501 : ” Le 2 février 1994, Olivier Quemeneur, petit-neveu et dernier descendant du conseiller général, est assassiné…“
… alors là, chapeau bas ! Une phrase courte, un seul verbe, mais à l’arrivée quatre erreurs… il est grand temps que l’ouvrage se termine, sinon on court tout droit à la catastrophe.
… 1) le caméraman concerné est assassiné le 1er février et non le 2 – 2) Il s’appelle Quéméner et non Quéméneur (or, les deux patronymes existent bien et sont courants) – 3) dernier : dans la généalogie Quéméner, le petit-neveu Olivier n’est absolument pas le seul à son degré de parenté – 4) descendant : Pierre Quéméner, à ce jour, n’a pas de descendance connue… – … espérons que l’auteur saura se reprendre…
p. 508 : “Christian Plume déclare aux enquêteurs que Jacques Bonny pensait que la machine à écrire avait été déposée dans le grenier à l’insu de son père et que celui-ci aurait découvert la machine sans savoir qu’elle avait peut-être été mise là par des collègues, notamment Vidal, dont Bonny dépendait…“
… donc, le lecteur comprend que ce n’est plus Bonny qui dépose la Royale 10 à Traon-Velin… – mais, page suivante…
p. 510 : témoignage, en juin 1994, de la fille unique de Mme Moreau-Lalande : “Bonny a évoqué l’Affaire Seznec : il a révélé à mon père qu’afin de confondre le suspect… il avait déposé la machine à écrire dans l’atelier ou les combles de l’atelier Seznec…“
… peut-être qu’en questionnant la descendance dans dix générations, on en saura plus sur l’histoire de la fameuse Royale 10
p 511 : (Marcel Fabrega) “S’il n’est pas intervenu plus tôt, dit-il pour répondre au magistrat qui l’interroge, c’est parce qu’il a toujours été en poste à l’étranger, pendant plusieurs dizaines d’années…“
… c’est bien connu, Outre-Mer il n’y a pas de palais de Justice ni de commissariat… et un haut-fonctionnaire en poste loin de chez lui, ne revient jamais en métropole…
p. 517 : ” France-Justice devient l’association la plus importante et… la plus prestigieuse dans le domaine judiciaire. De droite, de gauche, anarchistes, monarchistes, gaullistes, les personnalités viennent de tous les horizons philosophiques… Le ciment unissant des personnes aussi différentes que Geneviève de Gaulle et Jean Ferrat… est l’humanisme et la détestation de l’injustice…“
… c’est beau… cela devrait séduire les nouveaux prospects, les amis frontistes du camarade Collard… un humanisme universel pour un combat noble : l’injustice – une question qui me chiffonne : quelle est la position de l’association sur le cas d’Yvan Colonna ? … Où met-elle le curseur de cette noble justice : côté du représentant du comité de soutien à Yvan Colonna ou côté du défenseur de la partie civile qui dans de sa plaidoirie lors du dernier procès donne un aperçu d’une certaine justice : ” Colonna n’est pas seulement l’un des sept, il était celui qui était chargé d’abattre le préfet et il est celui qui l’a abattu” ? – le service minimum fait sur le sujet nous donne la réponse, pas facile de s’exprimer lorsque les deux parties sont représentées dans l’association – au fait, dites-moi si je me trompe, cet avocat de la partie civile qui ne doute pas, M° Baudelot, c’est bien le même qui défend le dossier Seznec ? – … humanisme quand tu nous tiens…
p. 518 : “M° Yves Baudelot, l’un de nos avocats, entame une démarche auprès du CNRS… l’ARC étant enfin entre de bonnes mains“
… un p’tit coup de brosse à reluire, ça n’a jamais fait fait d’mal à personne
p. 522 : “Mais ce que je retiens surtout, et que j’ignorais jusqu’à présent, c’est la présence de l’inspecteur Le Gall dans cette affaire. En effet, c’était ce même policier de la Sûreté qui avait découvert la machine à écrire chez mon grand-père !“
… impayable… notre enquêteur perspicace a seulement oublié qu’un individu se distingue d’un autre par un nom (un patronyme) et un prénom (et par des éléments de l’état-civil si nécessaire)… il a donc dans ses notes un Le Gall pour une perquisition à Traon-Velin en juin 1923, et il apprend (par le livre de Claude Stavisky, paru en 1995) qu’un Le Gall a également participé à l’embrouille de Chamonix en 1934 – déduction rapide mais scientifique de notre historien-enquêteur : c’est forcément le même policier, et pour donner du poids à ce renseignement précieux, l’auteur nous donne en annexe le fac-similé du pv de perquisition avec les noms des intervenants : on y lit Pierre Le Gall – et si on se donne la peine de feuilleter la presse de janvier 1934 qui relate la disparition de Stavisky, on y lit Yves Le Gall… – pas de bol, notre enquêteur hors-pair a confondu le fils avec le père… à Concarneau, on en rie encore…
p. 524 : “M° Raymond Hubert en savait certainement beaucoup plus pour agir de la sorte…“
… est-il le seul “suspect” dans la longue liste des défenseurs ? – l’auteur, visiblement, ne se pose pas la question
… à propos de Raymond Hubert, l’auteur ne relève pas sa tentative de suicide (saut dans la Seine) au moment de l’affaire Prince – ni ses relations avec Philippe Lamour (ce dernier quitte la robe d’avocat pour le costume de paysan, prenant un temps en charge, l’exploitation d’un domaine dans l’Allier, appartenant à M° Hubert)
p. 525 : “… car il était costaud Quéméneur…“
… cette précision fantaisiste extraite du témoignage de Mme Santini affaiblit le sérieux des propos rapportés –
p. 527 : “Et puis, sa culture celtique, authentique, correspond parfaitement non seulement à mes goûts musicaux, mais au sens de ma lutte“
… v’là la Jument de Michao en bonne place dans le tableau… une celte pur beurre, la belle… si on fait fi de son pedigree (la chanson la plus connue du groupe nantais est, à l’origine… bourguignonne)
p. 528 : ” Cela indique en tout cas que même le premier magistrat de France, le Président, sait qu’il existe des erreurs judiciaires non reconnues“
… ça nous rassure… et merci de nous le préciser… si, si, on en doutait…
p 530. : “Lorsque l’audition se termine, il (c.a.d. M° Baudelot) apostrophe le président Guerder : “C’est une honte de traiter ainsi un avocat aussi respectable que M° Bredin…“
… le client B. Tapie acquiesce… et le lecteur se demande bien si la réaction d’indignation eut été identique s’il s’était agi de M° Collard… quelle équipe !
p. 531 : ” Dès que les treize tomes nous sont communiqués et que j’en prends connaissance, je ne suis pas déçu : une bonne partie du dossier est composée de ragots concernant le témoin Le Her…“
… à quoi correspond donc “une bonne partie” ? : un tome, plus… ? bigre ! Quelle notoriété le gars François ! – au fait, la délicate évocation d’une relation supposée entre le commissaire Vidal et Mle Héranval, témoin du Havre, ragot ou pas ragot ? – une réponse dans la prochaine réédition définitive serait la bienvenue…
p. 534 : ” Encore une fois, il était poursuivi par le fisc qui lui réclamait toute sa fortune. Sans compter que, mêlé à un trafic de véhicules international avec les Soviets“
… une p’tit piqûre de rappel… avec une équation simple : Pierre Quéméner = fisc + cadillacs aux soviets – pas compliqué à retenir quand même ! – le lecteur attend patiemment le premier document … au bout de 90 ans, le traitement administré commence à perdre de son effet… il devient urgent de mettre la main sur au moins un document…
p. 535 : ” Marcel Bavaud me prouvait – arbres généalogiques à l’appui – … Par exemple, que M° Bienvenue était le neveu du maréchal Foch…“
… l’auteur prend connaissance de cette information sensationnelle en 1996 – observons qu’en questionnant le dernier pilier de bar de Morlaix, notre enquêteur aurait gagné du temps – en 1923, personne à Morlaix ignorait les liens Foch-Bienvenue…
… heureusement que l’auteur a bénéficié de l’aide de collaborateurs de circonstance… sinon, on n’ose imaginer le résultat !
p. 536 : ” Il faut dire que le petit juge n’était pas né de la dernière pluie et que son expérience dans le contre-espionnage avait dû maintenir en éveil son radar instinctif…“
… Hervé, responsable du contre-espionnage dans l’Ouest de la France lors de la guerre 14-18, voilà une affirmation relayée par de nombreux commentateurs de l’affaire… sauf, que là encore, aucun élément de preuve, pas le moindre document ni la moindre source… je le dis, donc c’est vrai… circulez…
p. 536 : ” Le choix de Weygand n’avait certainement pas été dû au hasard, sa belle-famille était d’origine russe et, de ce fait, ses liens avec la Russie étaient étroits..“
… quelle est la source historique : collection Harlequin, Jours de France… ? – lié, par son mariage, à une belle-famille bretonne, on pense donc à sa belle-famille maternelle : Weygand est né de parents inconnus, et les historiens (les vrais) émettent plusieurs thèses (six/sept) quant à ses origines, dont une russe… notre auteur a choisi, la seule et unique qui vaille, c’est la piste russe… et s’il le dit, c’est que c’est vrai…
p. 537 : ” … le 19 avril 1923, lors d’un mariage (il se trouve que c’est celui du père de Valéry Giscard d’Estaing)… on retrouve Foch, Weygand, Bienvenue, Le Trocquer, Poincaré. Pierre Quemeneur est peut-être présent lui aussi, mais ce n’est pas sûr : sa réputation d’affairiste était déjà trop établie“
… quel entregent le gars Pierre… on le verrait bien au Vatican dans les pages qui suivent…
p. 537 : ” Puis, vers 1922 des consortiums américains s’étaient mis à racheter des voitures, surtout les Cadillac...”
… ok, mais une pièce ou une source… ça doit bien se trouver…
p. 537 : “ C’est grâce à ce trafic que l’Armée Rouge de Trotski est devenue, dès 1924, la plus puissante du monde, entièrement équipée d’engins de marques… américaines !“
… je conseille vivement à l’auteur de prendre conseil auprès d’un ami historien… à ce stade, ça urge…
p. 538 : “Impossible de croire qu’ils ne connaissaient pas leur futur député“
… tant qu’il est chaud, l’historien ami pourra également donner son sentiment sur cette idiotie…
p. 538 : “ … c’était aussi un député, Vincent Inizan, maire de Kernoues, qui avait tenté de discréditer le notaire Danguy des Déserts, témoin de survie de Quemeneur, en prétendant qu’il avait mauvaise vue…“
… faudrait peut-être penser à corriger cette confusion pour la suite de la collection des rééditions, Inizan intervient sur le témoignage de Lajat (son imprimeur morlaisien à la vue basse) et non sur celui du notaire de Landerneau
p. 538 : ” Et la Belle Hélène, celle qui connaissait tous les secrets d’alcôve de Morlaix…“
… depuis le temps qu’on était sans nouvelle d’elle, à la fois reine de la nuit et de la conserve morlaisienne le jour, tout un programme – sauf, que notre auteur est à ce jour le seul et l’unique à connaître la belle égérie et l’essor de la conserverie à Morlaix – Maurice Privat, himself, est passé à côté du scoop, c’est dire le flair de notre enquêteur familial… vous direz, le poisson… bon, j’arrête là… mais rien que pour en savoir plus sur notre belle morlaisienne, je souscris dès maintenant à la prochaine réédition…
p. 539 : “Le petit juge en était scandalisé, comme, plus tard, Maurice Privat…“
… si le gars Maurice est scandalisé, avouons-le, ça change tout…
p. 539 : ” Tout cela le juge Hervé le dira à Marie-Jeanne le jour où il viendra la voir à l’Hôpital Beaujon, quelques jours avant qu’elle ne meure...”
… “le dira”… ou ne le dira pas, car, en fait, personne n’en sait rien… – ça m’évoque le mot de Coluche : “quand on n’en sait pas plus, on ferme sa g…”
p. 539 : ” … il me semble que je connais désormais presque tous les éléments du gigantesque puzzle…“
… un conseil d’ami : surtout ne pas supprimer le mot presque pour les rééditions à venir
p. 539 : ” … mon but, bien évidemment, n’a jamais été de démasquer le vrai coupable. Mission impossible...”
… on l’avait compris – je dirais même, très bien compris…
p. 540 : “Louis l’aurait très mal pris, et, peut-être éméché comme à son habitude…“
… pas de méprise, un ragot côté Quéméner ne peut nullement être comparé à un ragot côté Le Her…
p. 540 : ” Ce n’est qu’en 1978 que l’on découvrira dans les dossiers de justice qu’il était poursuivi par le fisc pour profit exceptionnel de guerre et que les deux amendes fiscales infligées se montaient chacune, à… un million de francs-or…“
… c’est donc qu’au moins sur ce point, il y a des pièces… on ne demande qu’à croire… alors un p’tit document, un seul suffirait à notre bonheur…
p. 541 : ” Deux autres hypothèses pourraient encore être retenues : le puits Gallo et la piste de Lormaye. Mais, si ces pistes sont sérieuses, le manque de faits concrets et les contradictions qu’elles entraînent, notamment avec les témoins de survie, les fragilisent et me les font plutôt écarter“
… il ne faut quand même pas exagérer, seule l’hypothèse d’une disparition à Plourivo étayée par les témoins de survie tient la corde, le reste est amusement…
p. 541 : ” Bonny lui-même a déclaré que la machine à écrire avait été déposé par lui…“
… on l’avait presque oublié… donc, en final, c’est le témoignage de Moreau-Lalande qui a la faveur de l’auteur (ou plutôt ceux de sa femme et de sa fille) …
p. 541 : “Pourquoi la machine à écrire a t-elle disparu après le procès ? “
… si elle avait disparu, pourquoi Marie-Jeanne se serait offusquée qu’elle soit considérée comme étant sa propriété lors de la vente de ses biens – les lacunes du petit-fils dans l’histoire familiale ne nous surprennent plus, en fait cette machine a été acheté par le journal brestois “La Dépêche” (non sans arrière-pensée, Pierre Quéméner en était actionnaire)
p. 541 ” Qui a donné une pension d’aveugle de guerre à un témoin parfaitement clairvoyant le jour même de sa déposition au procès ?“
… deux fois que l’auteur nous pose la question… restons optimiste, il finira bien par tenter d’y répondre lui-même
p. 542 : ” le mystère de la disparition de Quemeneur ne peut s’expliquer que par une complémentarité involontaire de l’assassin et de Bonny…“
… là, j’avoue que c’est trop fort… je crois que je vais m’inscrire illico à des cours du soir de criminologie…
p. 542 : “Dans ces conditions, la complicité objective entre un notaire véreux et un policier félon ne pouvait être que fatale à un simple maître de scierie…“
… là, j’ai compris : un brave type contre deux méchants n’a aucune chance…
p. 544 : “Quant au grand avocat, le neutraliser en le nommant au gouvernement ne fut pas difficile. Il n’attendait que cela…“
… si j’ai bien compris, c’est un peu comme un autre grand avocat, président du comité de soutien de la fille de son père… puis parlementaire.
p. 547 : ” Le président Dollin du Fresnel, qui a condamné votre grand-père, l’a regretté jusqu’à le fin de ses jours. Il en parlait tout le temps, convaincu d’avoir condamné un innocent“
… ce témoignage fait par sa fille en 1992 peut faire sourire, il rejoint tous ceux, tardifs, transmis par les descendants divers… on veut bien y croire, mais dans le cas présent, le baron Tom Ernest, parti à la retraite en 1932, avait toute latitude pour s’exprimer publiquement lui-même, surtout si sa mauvaise conscience l’empêchait de dormir…
p. 549 : “Mon grand-père est innocent mais la Commission de révision n’a pas besoin de la preuve certaine de cette innocence, évidemment impossible à apporter“
… soumettons deux corrections : “est sans doute innocent” au lieu de “est innocent” – et “évidemment difficile à apporter” au lieu de “évidemment impossible à apporter“.
p. 550 : “… mes avocats vont évoquer longuement le personnage qui a mené réellement l’enquête et qui ne peut être dissocié du problème des faux : Bonny…“
… les épaules très, très larges… l’inspecteur stagiaire… et une aubaine pour étoffer le dossier de la défense
… pitoyable ou risible ? : les deux sans doute, avec comme seul raisonnement : Bonny était un policier véreux à partir de 1930, il l’était donc aussi en 1923… l’absurdité érigée en science…
p. 550 : “Legrand, lui, il bénéficia en 1923, d’une autorisation dérogatoire pour que sa femme tienne une maison de jeux à Rennes lorsque ceux-ci furent interdits. Or, Bonny, avant d’être affecté à la Sûreté générale, travaillait à la Brigade des jeux…“
… pourquoi pas ? mais avec deux, trois documents ou sources, ce serait bien aussi… histoire de ne pas avoir à y revenir…
p. 551 : “Les relations de Mme Héranval avec le commissaire Vidal pendant l’enquête ont fait l’objet de remous. Ce qui est certain, c’est que le journal L’Ouest-Eclair du 29 octobre 1924 montre, à sa une, Vidal et Mle Héranval marchant ensemble pour se rendre aux assises“
… ça c’est du travail d’historien…, mais à la Privat – l’auteur rencontre Mle Héranval lors d’une signature au Havre en février 1993, a t-il eu la courtoisie de lui faire la lecture du délicat passage qui la concernait dans le bel ouvrage proposé au chaland (ed. 1992, pp. 200-201) ? – on a déjà eu l’occasion de parler de la photo évoquée par l’auteur, qui montre en réalité, Vidal accompagnant Louise Hérancal à une convocation du juge Campion au Palais de justice de Morlaix, c’est-à-dire plus d’un an avant le procès aux assises de Quimper… – les lieux, les dates… il ramerait pas un peu un peu notre contre-enquêteur…?
p. 551 : “Il serait donc étonnant que la Justice, désormais informée des agissements de ce policier-félon – ce qui n’était pas le cas des magistrats de 1924…“
… on s’incline devant cette subtilité, mais on ne voit pas bien d’où vient l’inspiration : Devos, Coluche… ?
p. 555 : “L’existence du trafic de véhicules des stocks américains n’est plus contestée aujourd’hui…“
… d’ailleurs, c’est pas compliqué, tous les bolcheviks roulaient en Cadillac… tout le monde le sait…
p. 556 : “Mon grand-père aura passé la moitié de sa vie au bagne“
… il est grand temps que ça se termine car ça prend l’eau et le lecteur patauge – visiblement en calcul, c’est pas ça non plus : le père Guillaume décède à 76 ans, il demeure à Cayenne 20 ans… après, suffit de demander le résultat de la division à un gamin de cp…
p. 560 : extrait d’interview de M° Bredin : ” En France, on condammne malgré le doute, au nom de l’intime conviction…“
… M° Baudelot partage sans doute l’indignation de son confrère … à condition de ne pas prononcer le nom d’Yvan Colonna… car, en final il y a quand même doute et… doute… tout dépend qui règle les honoraires…
p. 564 : ” Mais si l’institution chargée de rechercher et protéger cette même vérité s’ingénie à la laisser au fonds du puits…“
… pas de souci, parmi les gens qui s’intéressent de près à l’affaire, j’en vois bien deux qui peuvent prêter leur concours, dont un qui peut intervenir à distance (la vérité au fond du puits, c’est son domaine – et il a aussi “découvert” la gare fantôme de Traou-Nez de 1923)
p. 565 : ” Les Français n’ont plus confiance en leur Justice. Ils réclament… une véritable révolution dans le domaine judiciaire”
… oui, mais cela va changer… sauf que les idées marinées à la sauce Vichy… c’est de la cuisine particulièrement indigeste
p. 570 : “Lors de la liquidation de ses maigres biens, Marie-Jeanne refuse donc, malgré la misère, que le produit de la vente de la machine à écrire lui soit attribué…“
… en voilà une déduction intéressante de l’auteur car elle répond à son indignation, manifestée quelques pages avant, de la disparition de la Royale 10 après le procès – en fait, la fameuse machine à écrire est vendue le 8 mai 1925 – si notre enquêteur corrige de lui-même ses erreurs, c’est qu’on est sur la bonne voie…
p. 570 : L’auteur cite un extrait d’une lettre de Marie-Jeanne (lettre faisant partie d’une série de lettres dont il prend connaissance en août 1997) – la date, mars 1931, correspond à la troisième tentative d’évasion de Guillaume Seznec et au moment où Huzo cherche à se faire entendre en Eure et Loir – Marie-Jeanne est convoquée à la Sûreté et rencontre Chiappe qui lui dit : “… soyez avec nous comme in membre de l’association” – l’extrait de la lettre s’arrête là… fin ou pas…? – suit le commentaire de l’auteur :
“Quelle association ? – Puis le préfet de police fait comprendre à Marie-Jeanne que son mari serait certainement libéré au bout de très peu d’années si elle accepte de collaborer, notamment en l’aidant à dénoncer les manigances de… Bonny et de sas maîtres ! – Quels maîtres ?”
… soit Marie-Jeanne s’est exprimée clairement sur sa lettre en citant Bonny et dans ce cas, pourquoi ne pas mettre l’extrait – soit c’est une relation de l’évènement toute personnelle de l’auteur, permettant de remettre une couche de Bonny ? – chacun son sentiment… j’ai le mien
p. 571 : ” En ce début d’année 1998, je me plonge à nouveau dans les archives, les journaux et les livres. J’apprends, alors, que jean Chiappe avait été nommé directeur de la Sûreté en 1924…“
… il n’y a pas à dire, il y a quand même des passages que l’éditeur aurait pu signaler à l’auteur afin de les supprimer pour éviter de ne pas tomber trop bas dans le ridicule – voilà un pavé qui sort en 1992, qui met en avant une affaire d’Etat, une machination policière orchestrée par la Sûreté générale dont on nous sait toujours pas qui en est le directeur en 1923 (on nous un donne bien un nom, mais pas de chance, pas le bon !) et dont l’auteur apprend, en 1998, le nom du directeur nommé en 1924… – quant on vous dit que c’est un modèle de contre-enquête…
p. 572 : “… Il est inutile de vouloir retrouver une trace du trafic des stocks américains dirigés vers l’Union soviétique dans ces tonnes de papiers. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin…“
… la recherche historique, il avoue, c’est pas son truc… on s’en était déjà un peu aperçu…
p. 578 : ” Ce sont les enquêteurs qui font la valeur morale et l’honnêteté d’une enquête… Et pourtant, pour l’Affaire Seznec, la Justice continue de faire confiance au travail de l’inspecteur Bonny… Une enquête conduite par un tel personnage n’est-elle pas, de fait, une enquête corrompue ?“
… en fait, pour éviter que d’autres Bonny sévissent, rien de plus simple… demander à tout prétendant à la carrière de policier de faire une déclaration sur l’honneur de ses faits et gestes futurs, par exemple du milieu à la fin de carrière… avec l’aide d’une cartomancienne ou d’un bon astrologue, ça doit l’faire…
p. 588 : ” Paris, 24 octobre 2000. Des amis dînent chez nous : l’avocate Sylvie Noachovitch, Roger-Marc Moreau… et Roland Agret…“
… un bon trio pour un plateau télé… plus l’auteur… (reste à trouver l’animateur) – une suggestion quand même, mettre Agret et Moreau à une distance respectable l’un de l’autre, ce serait dommage que cela se termine en pugilat – au fait, le détective Moreau… où il en est sur l’Affaire Seznec ? … un moment qu’on est sans nouvelle…
p. 589 : “Jean-Denis Bredin précise ce dimanche-là, sur France-Info : Bonny est un inspecteur étrangement venu de Paris pour conduire l’enquête contre Seznec…“
… étrangement, il a p’tet pas tout suivi, l’ami Bredin… faudrait peut-être lui souffler que Bonny était au service de Vidal, lui-même dépendant du grand chef Marlier… et tout ce beau monde demeurait à Paris, rue des Saussaies… là-même, où la visite de Jean Pouliquen avait donné le top-départ de l’histoire…
p. 590 : ” En tout cas, je suis fier de mon livre“
… j’espère ne pas avoir trop casser l’ambiance…
p. 591 : “Je constate immédiatement que Mme Henriette Muller, enseignante retraitée, quatre-vingt-cinq ans, a la mémoire et les idées claires…“
… ben oui, il y a des risques !… rien ne vaut un bon témoin “instantané”… comme Lajat ou Vérant
p. 591 : “Le 14 juillet 1923, quatorze jours après l’arrestation de Guillaume Seznec, il y avait réunion de famille à Quimper chez une cousine de la mère de la petite Henriette, qui avait sept ans. Se trouvait là un oncle, Henri Février, conseiller général du Finistère et négociant en alcools auprès des Etats-Unis, accompagné d’un ami proche, lui aussi conseiller général, qui n’était autre que Pierre Quemeneur… il m’avait donné une pièce d’or… le défilé passait en fanfare sous les fenêtres… cela sera vérifié et recoupé, y compris la forte proportion de soldats africains dans le défilé…“
… donc, si on comprend bien, Henriette Muller assiste à une grande réunion de famille à laquelle participe celui qui fait la une du quotidien régional (Ouest-Eclair du 13/07 : page 1 sur 2 colonnes – du 14/07 : page 1 sur 1 colonne) – de la part des gens présents, motus dans les jours, semaines, années qui suivent… sauf elle, 78 ans après, ouf !… ça c’est du scoop, et du bien crédible…
… un bémol : si on lit bien, la présence de soldats dans le défilé (africains ou non) laisse penser à un défilé militaire, or pas plus à Quimper qu’ailleurs, cela figure au programme des réjouissances du 14 juillet dans les années d’après-guerre – d’autre part, penser un seul instant que le conseiller Février, entre autres, ait pu tenir sa langue, c’est aussi fort que de croire au témoignage en 1979 de Jourand de Tremens (décédé en 1959).
p. 593 : “Plus tard, je cherche “étayer” dans le dictionnaire…“
… très bonne initiative… un coup d’œil à exactitude et crédibilité n’était pas superflu…
p. 593 : Un habitant de Landivisiau, en 2002, se souvient d’un fait arrivé à son grand-père en 1923, il termine son courrier à l’auteur par ceci : “C’est donc mon grand-père, Allain G., qui dirigea Pierre Quemeneur vers votre grand-père.” – et l’auteur de commenter : “J’aime cette confirmation supplémentaire de ma vision des évènements“
… à ce stade des témoignages tardifs divers et variés, je me fais du souci pour l’auteur, car pour sortir une cohérence limpide de toutes ces vérités, il va falloir s’accrocher…
p. 594 : “... un archiviste passionné de la cinémathèque de Bretagne me communique un film montrant le débarquement de milliers de Cadillacs dans le port de Brest pendant la Première Guerre mondiale…“
… bien sûr, des milliers… à condition de visionner plusieurs fois le film et d’additionner… – en fait, mon commentaire n’est pas plus stupide que ce qu’écrit l’auteur, il n’y a jamais eu plusieurs milliers de Cadillacs débarquées à Brest, surtout en un débarquement…
p. 595 : ” Quemeneur avait passé un coup de téléphone, rappelons-le, depuis le Plat d’Etain. Il cherchait de l’argent“
… le fait de répéter plusieurs fois une ânerie ne la rend pas intelligente… à ce jour, aucun élément connu permet une telle affirmation – cela n’arrête pas l’auteur… il connaît même le motif de l’appel… le prix de la communication dans la prochaine réédition…? : pas impossible…
p. 597 : ” En particulier, je mets l’accent sur la très grande difficulté de produire ce qu’on appelle des faits nouveaux…“
… c’est-à-dire qu’il faudrait déjà par commencer à en chercher… je veux dire, là où on a quelque chance d’en trouver…
p. 600 : extrait de l’intervention de J. Y. Launay devant la Commision de révision, le 24 janvier 2005″… Denis Seznec signale, dans son remarquable et émouvant ouvrage, Nous les Seznec, où ses dires sont aussi solidement étayés que possible…“
… tout dépend à quel niveau se situe le possible… souhaitons que l’avocat général Launay ne tombe pas sur ces pages, ce serait dommage de le contrarier…
p. 605 : “… une lettre arrivée encore plus tard, concernant le faux-témoins Georges de Hainaut. Elle émane de la belle-sœur de son fils Philippe… ” – dans sa lettre, cette personne évoque le suicide du fils du directeur commercial de la maison Continsouza (branche machines à écrire)
… attention, encore quelques pages et on devra se fader le témoignage de la brue de l’épicière mariée avec le voisin du compagnon de régiment de Guillaume Seznec, connu à la poudrerie d’Ouessant…
et l’auteur d’ajouter : “J’ignorais ce suicide. Il ne me fait pas plaisir“
… déduction logique : il y a donc des suicides qui font plaisir – j’sais pas, mais ça valait p’tet le coup de relire avant d’imprimer…
p. 610 : “On me tend un casque : un motard m’emmène pour le Journal d’une des grandes chaînes de télévision. Elles sont toutes sur l’évènement. Je dois me plier aux exigences de l’actualité…“
… quelle abnégation ! , pour un peu on y croirait…
p. 611 : “Comme celui de François Pinault qui, en me recevant, me révèle que son grand-père, marchand de bois, croisait souvent la maître de scierie un peu partout dans notre Bretagne. Ils s’appréciaient malgré leurs vingt années de différence d’âge“
… même en y mettant les deux grands-pères, paternel et maternel, on va avoir du mal à y croire – cela ne correspond pas vraiment aux éléments donnés par une rapide recherche historique – par contre, il peut y avoir une confusion avec la belle-famille de François Pinault, celle de son premier mariage et à l’origine de sa formidable réussite – disons que c’est sans doute de l’histoire familiale façon grand public, cela ne nous change pas vraiment…
p. 619 : ” Un commissaire de police à le retraite, par exemple, a fait parvenir à la Cour une synthèse en faveur de la culpabilité ! De quel droit ? Qui l’autorise à s’immiscer dans le débat ? “
… comme dit l’aut’ : plus idiot, tu meurs – une question qui m’effleure : à qui doit-on demander l’autorisation de poster un courrier avec pour adresse, la Cour de cassation ? – question subsidiaire : pourquoi les bureaux de cette Cour ne sont-ils pas pourvus de corbeille à papier ?
p. 619 : ” Ce texte malveillant est bourré d’erreurs et d’affirmations pas fondées, facilement réfutables…“
… je rassure le lecteur, l’auteur nous parle bien du livre de Guy Penaud… je sais, je sais… plus d’un est tombé dans le panneau…!
p. 624 : commentaire de l’auteur sur l’intervention du président Cotte : “… Je suis triste de constater qu’il mésestime grandement le machiavélisme infernal de Bonny…“
…. Il n’a pas bien saisi le président : une ordure à 45 ans, déjà véreux à 35, est forcément corrompu à 28… inutile d’avoir des preuves pour cela, c’est une affaire de bon sens…
p. 625 : ” Cette fois, il ne parle pas de moi et de mon livre. Tant mieux !“
… partageons cette bonne humeur passagère : on parle du livre, c’est bien… on n’en parle pas, c’est bien aussi…
p. 625 : commentaire de l’auteur sur l’intervention de l’avocat général Launay : ” … En insistant sur la carrière de Bonny, en décrivant formellement le trafic des Cadillac avec la caution des historiens soviétiques…“
… oublions un instant Bonny et intéressons-nous au reste de l’extrait – donc le trafic des Cadillac vers les soviets est établi, certifié, prouvé… et des historiens “cautionnent”… ici la ficelle s’apparente davantage à la corde à nœuds, c’est du n’importe quoi qui ne grandit pas l’auteur… on quitte le roman pour la science-fiction – au fait, à l’occasion… les noms des historiens cautionneurs ?… soviétiques ou pas, on n’est pas regardant…
p. 626 : ” Bruno Cotte nous informe que quatre-vingt descendants de Pierre Quemeneur ont adressé une lettre commune à la Cour“
… si le président de la Cour s’y met aussi, on est dans de beaux draps… – ou alors, ils ont peut-être raison, le gars Pierre, célibataire notoire, sans liaison suivie connue… fieffé luron, et qui plus est, cachotier… ??
p. 627 : extrait de l’intervention de Maître Baudelot : ” Etant donné que le doute est désormais seul requis, quand sera t-il retenu si ce n’est pas dans cette affaire ? Quand le sera t-il ? Si vous n’innocentez pas Guillaume Seznec, alors la loi de 1989 ne sera jamais appliquée ! “
… à n’en pas douter, Yvan Colonna applaudit à cette envolée de l’avocat (défenseur de Mme Erignac, dans le procès Colonna)… et ne doute pas de son adhésion, si ce n’est déjà fait, à son propre comité de soutien…
p. 627 : ” Le jour même où, au Havre, le marchand de machines à écrire Joseph Chenouard cite pour la première fois le (faux) témoin Georges de Hainault, Bonny interroge celui-ci à Vichy ! C’est incompréhensible à moins de voir là une combine caractérisée. Le jour même !… M° Bredin cite les PV qui l’attestent…“
… Bonny interrogeant de Hainaut à Vichy ? – possible, mais dans les attendus de la décision de la Cour il est bien précisé que, contrairement à ce qu’avance la défense, c’est bien l’inspecteur Roch qui est dépêché à Vichy et non Bonny – vous me direz, quelques perles émaillent la litanie des attendus… alors ? – pas compliqué de départager : il suffit de montrer les PV cités par M° Bredin… et qu’on nous dise quand même pas que c’est confidentiel…
p. 629 : ” Ensuite je m’embarque dans les tortueux agissements de Bonny. J’affirme posséder une lettre de ma grand-mère, retenue par la Tentiaire en 1930, où ,elle rapporte que le préfet de police Jean Chiappe… lui a proposé de faire sortir son mari du bagne à condition qu’elle veuille bien l’aider…“
… je sais, c’est cruel… mais je n’y peux rien : par quel tour de magie, une lettre écrite le 26 mars 1931 (voir p. 570), est bloquée par la censure du bagne en 1930 ? vous me direz, c’est pas bien grave, l’ânerie sortie devant la Cour est passée comme… une lettre à la poste -… courage ! on arrive au bout…
p. 629 : toujours dans l’intervention de l’auteur devant la Cour : ” Vous avez parlé de deux polices différentes ? Mais l’inspecteur Le Gall, de la brigade mobile de Rennes, qui a saisi la fameuse machine à écrire, où, le retrouve t-on en 1932 ? A la Sûreté générale, très ami de Bonny, et c’est lui qui découvre le corps de Stavisky suicidé, ainsi que son testament dactylographié. Ce sont les mêmes, toujours les mêmes…“
… avec un brin de cynisme, on pourrait dire que c’est la cerise sur le gâteau – à la lecture, aucun lecteur finistérien ne met en doute le propos… mais ne s’imagine pas non plus qu’il puisse être fait sans une vérification, même sommaire, au moins sur le prénom… – et pourtant… hélas ! trois fois hélas !… ne retournons pas le couteau dans la plaie… mais quand on s’appelle Yves, c’est qu’on ne s’appelle pas Pierre… tous les Le Gall, et ils sont nombreux, vous le confirmeront
p. 636 : “Cela m’a fait l’obligation d’avoir une crédibilité absolue, et d’être inattaquable sur le plan de la moralité…“
… la moralité ? : je n’ai pas d’avis – la “crédibilité absolue” ? : je renvoie le lecteur à la date de naissance de Petitcolas indiquée dans la première page de l’ouvrage (tableau généalogique)… en quelque sorte une erreur prémonitoire – la boucle est bouclée…
– Echu, poent e oa, erru on skuizh –
( terminé, temps il était, arrivé je fatigué)