Avant-propos :
Que vient faire le camarade Albert dans l’Affaire Seznec, me direz-vous ? Directement, rien peut-être. Le personnage est président du Conseil Général du Finistère de 1912 à 1927. Ses mandats d’élus (maire, conseiller général, député, sénateur) couvrent la période qui nous intéresse, c’est un cas d’école pour comprendre les interactions et les rouages de la société politique, économique et industrielle de l’époque. Cela permettant d’envisager une cohérence dans les deux affaires criminelles locales de la période et y déceler un lien entre elles, à savoir l’Affaire Cadiou (1913/1914 et 1919) et l’Affaire Seznec (1923/24).
L’histoire avortée de l’usine des pare-balles
- de l’invention à la fabrication pour la Russie
Pierre Quéméner est élu conseiller général en 1919, la présidence du conseil est alors dans les mains d’Albert Louppe, député puis sénateur à partir de 1921 jusqu’à son décès en 1927. Louppe, polytechnicien (promo 1875), fera carrière au service des poudres, directeur de la poudrerie de Pont de Buis, puis de Moulin Blanc, de nouveau Pont de Buis. Poussé à la porte après le scandale des Poudres, il conservera ses mandats d’élu.
Quel lien, me direz-vous, avec l’affaire qui nous occupe ? Pas d’impatience, l’affaire Seznec est comme un grand puzzle permanent et évolutif, nous revenons d’une excursion en Russie, redécouvrons les bords de l’Elorn et de l’Aulne. Le personnel politique de l’époque du secteur a été plutôt gâté côté affaires criminelles, l’affaire Cadiou fin 1913/14 (procès en 1919) et l’affaire Seznec en 1923/24. Dans les deux affaires, notables, élus, dirigeants de sociétés sont mêlées.
Dans cet article, nous partirons d’un évènement planétaire qui a lieu discrètement vers 1900 dans la campagne de Locronan.
En juin 1903, l’ingénieux maire de Locronan, Alain Brélivet, présente une invention qui suscitera bien des appétits financiers et inévitablement quelques démêlées judiciaires. Par un dimanche ensoleillé, il profite d’une manifestation regroupant à Quimper des sociétés de tir locales pour faire une démonstration de son nouveau procédé de protection contre les balles. Grâce à son gilet «pare-balles», invention destinée à un usage militaire, les pertes et les blessés par balles sur les champs de bataille devraient être désormais nettement moins nombreux, cela donnant un avantage non négligeable aux troupes pouvant en disposer.
Le modèle en question, par son apparente efficacité, intéresse d’emblée les spécialistes de la question. Une approche est faite sans attendre auprès des services d’équipement de l’armée afin de tester l’intérêt porté à cette nouvelle protection et étudier une éventuelle mise en fabrication. L’inventeur doit vite déchanter, se contentant d’un refus poli du moindre engagement pour une commande.
Déçu, Alain Brélivet abandonne l’idée d’équiper les militaires et modifie son modèle pour un changement radical d’usage : il servira désormais dans son verger, à protéger ses pommiers des coups de cornes de ses vaches. Cependant, certains observateurs locaux ont bien saisi l’intérêt de l’invention. En y apportant quelques modifications simples, ils sont persuadés que cela présente un réel intérêt militaire. Ils négocient le rachat de l’invention et réactivent leurs contacts auprès des acheteurs potentiels.
Un jeune chef de cabinet du préfet du Finistère, Gustave Heslouin, se met en relation avec des responsables de l’armée russe. A cette date, les soldats du Tsar sont engagés en Mandchourie sur le front sino-russe, avec de lourdes pertes. Il se déplace en Russie pour convaincre ses interlocuteurs et arrive à décrocher une commande de 100 000 gilets pare-balles pour un montant de six millions de francs. Enfin, l’invention débouche sur un marché sonnant et trébuchant et germe ainsi l’idée de fructueux bénéfices pour nos entrepreneurs locaux.
Un trio d’associés crée alors une société, Heslouin, Simonet et Cie, afin de mener à bien la fabrication. Des locaux pouvant servir d’atelier sont trouvés à Saint-Hilaire du Harcouët, en l’occurence une bâtisse anciennement utilisée pour la confection de chaussures. La décision de faire fabriquer dans la Manche vient du fait que Gustave Heslouin, collaborateur de vingt-trois ans du préfet Collignon, est originaire de de la petite commune du Hamelin dont il est maire, distante de quelques kilomètres de Saint-Hilaire. Maxime Simonet, industriel de Quintin et par ailleurs inventeur éclectique, se charge de la mise en œuvre de la fabrication. Le troisième associé (le Cie de la raison sociale), Albert Louppe, conseiller général de la circonscription du Faou et directeur de la poudrerie de Moulin-Blanc complète le trio mais reste en retrait, préférant sans doute une certaine discrétion nécessitée par ses fonctions. Le 20 avril 1905, la fabrication démarre dans l’atelier de Saint Hilaire, puis une deuxième unité de fabrication à Fougères est mise en service.
Le marché russe impose quelques contraintes. La commande des 100 000 gilets est à réaliser dans un délai court, trois mois. Chaque gilet pare-balles ne doit pas excéder un poids de 4,1 kgs. Cela complique la tâche pour les associés car le modèle de base est légèrement plus lourd que la limite imposée or le délai ne permet pas des modifications et de nouveaux essais. Malgré tout, des améliorations sont apportées sans effet apparent sur la qualité et le poids. L’exécution de la commande ne pouvant attendre, d’autant que le tiers du montant est versé, la fabrication est donc lancée avec une prise de risque évidente et qui plus est, sous le regard exercé de l’inspecteur russe, le colonel Zabulowsky, dépêché sur place pour s’assurer du respect des clauses du contrat….
- Les premières difficultés
Le cahier des charges pour la fabrication des plastrons exige un poids maximum, la vérification se faisant par des poids officiels en fonte poinçonnés. Or, afin d’être dans les normes pour la résistance, la direction de Saint Hilaire est contrainte de fabriquer des gilets pare-balles légèrement au-dessus du poids autorisé. Les premières livraisons sont refusées. Comment surprendre les vérificateurs russes, tout simplement en utilisant des faux-poids comportant des faux-poinçonnages, le tour est joué. Mais la ficelle est un peu grosse et c’est sans compter sur la vigilance du colonel Zabulowsky. Il s’aperçoit de la supercherie. Il porte plainte et cela entraîne une vérification par le service des Poids et Mesures d’Avranches qui confirme “l’anomalie” : écart de 40/45 g par kilo. Les effets sont immédiats dans la presse locale, Heslouin, le bras droit du préfet de Quimper, prêtant le flan aux critiques. Les conséquences sont également immédiates sur la fabrication, à Fougères les ateliers ferment le 20 août et ceux de Saint-Hilaire le 30 août. Moins de quatre mois après le démarrage des deux ateliers, ceux-ci ferment leurs portes et désormais l’affaire suit son cours devant les tribunaux. La politique locale s’en mêle, le journal Le Réveil du Finistère profite de l’aubaine pour “régler ses comptes” avec l’administration préfectorale, ses critiques virulentes contre la société Heslouin, Simonet et Cie et le gouvernement russe lui valent un procès pour diffamation devant le tribunal de Brest.
En ce qui concerne l’affaire qui oppose le gouvernement russe à la société Heslouin, Simonet et Cie, elle arrive devant le tribunal de Mortain en janvier 1907. Du grand spectacle en perspective, avec à la manœuvre l’avocat Millerand (président du Conseil lors de l’Affaire Seznec) pour la partie plaignante (côté russe) et Albert Clémenceau (frère de Georges Clémenceau) pour la défense.
[à suivre : 1907, procès… 1915, Louppe et Heslouin fabriquent aux Etats-Unis…]
Sur le même palier, derrière la porte d’en face, la machine à copier-coller tourne à plein régime. Une sorte d’obstination qui vire à l’obsession. Dans quel but ? Nuire à son voisin coûte que coûte ? Possible, mais est-ce bien chrétien un tel acharnement ? Pas sûr, mais ma brave dame, il y a bien plus grave, n’est-ce pas ?
Il fallait s’y attendre ! Elle a joué le même tour à Bertrand Vilain.
C’est une guerre de tranchées ! Normal qu’on sorte les gilets pare-balles…
Monsieur Pierre Quéméneur dans tout ça?
On attend la suite Monsieur ASR.
… quelle attitude adopter face à des gamineries de pré-ados et du délire verbal laissant supposer de ma part “des tombereaux d’ordures” ? Je ne vois qu’une : l’indifférence. Je veux bien revoir ma position si, des fois, j’aurai pu laisser échapper un propos ordurier en vingt ans, personne n’est parfait. Des nouvelles de Pierre Quéméner ? Sans trop tarder, sans doute. Pseudo ARS ? bof, l’actuel me suffit bien.
… vous semblez bien connaître l’histoire des pays de Morlaix et de Landerneau j’attends des connexions entre Besseyre des Horts, Quéméner, Legrand si vous y tenez…bref! j ‘attends de vous lire.
[j’ai “zappé” le début de votre commentaire]
pour vous répondre quant à sa fin… disons, l’avenir le dira – aucune conclusion à espérer de ma part quant à l’innocence ou la la culpabilité de Seznec.