quand Yvonne Moreau-Lalande s’en mêle… la vérité s’éloigne

entre faux-témoignage et incompétence de la Justice

En ces temps moroses, ne nous privons pas d’une partie de rigolade, pour cela reprenons ce que nous dit Denis Seznec dans son œuvre historique :

“Un autre témoignage, et que je considère comme des plus importants : celui de Mme Yvonne Moreau-Lalande, née Chapelain de la Villeguérin.

Pour en apprécier la valeur, il faut savoir que tout commence en Champagne, pendant l’hiver de 1917… Une compagnie du 166e régiment d’infanterie va monter en première ligne. avant l’attaque, le lieutenant René Moreau-Lalande fait une tournée d’inspection. Un peu à l’écart du cantonnement, il surprend le soldat Bonny qui s’apprête à se tirer une balle dans la jambe pour se faire envoyer à l’arrière, pratique fréquente avant les attaques. Se voyant découvert, le jeune soldat, qui se sait passible du peloton d’exécution, invoque un moment de faiblesse et supplie son lieutenant de lui faire grâce de la vie. Celui-ci accepte finalement de se taire et l’envoie accomplir son devoir comme ses camarades.

A la faveur de cet épisode, des liens particuliers se nouent entre le soldat fautif et celui qui lui a donné une chance de se racheter. Une grande estime est née…”

Dîtes-vous bien que ce que vous venez de lire est sorti tout droit de l’imagination de Denis Seznec, peut-être aidé en cela par les infos de première bourre de Mme Moreau-Lalande ? Tout est bidonné, rien ne tient : Bonny est fait prisonnier en septembre 1916 et interné en Allemagne, il lui est difficile d’être sur le front à l’hiver 1917 – le lieutenant Moreau-Lalande est introuvable, inconnu au bataillon… en le gratifiant du grade de capitaine, de lieutenant-colonel ou de colonel, comme on peut le lire, il reste introuvable… René Moreau-Lalande, le vrai, finit la guerre adjudant. Donc, si grande estime il y a entre Bonny et Moreau-Lalande, il faut en rechercher l’origine ailleurs que sur les crêtes de Champagne. 

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La suite du roman historique de Denis Seznec est du même tonneau : la rencontre inopinée Bonny/Moreau-Lalande en 1936, sur les Champs-Elysées, “l’engueulade” du pseudo lieutenant à son homme de troupe, les “regrets” de Bonny, “l’aveu” du dépôt de la Royale10 à la scierie de Traon-Velin… tout cela rapporté fin 1948 (12 ans de maturation) par Yvonne Moreau-Lalande, son mari lui ayant fait la relation de son entretien avec Bonny – René Moreau-Lalande meurt en 1939 sans s’être manifesté sur le sujet… et pour cause – au moins lui connaissait sa période de guerre.

Pourquoi donc Mme Moreau-Lalande intervient sur le sujet en décembre 1948 ? Guillaume Seznec revient du bagne en juillet 1947, François Le Her “disparaît” en octobre 1948 ce qui assombrit l’avenir de Jeanne Seznec, la clémence du jury d’assises de Quimper n’étant pas gagnée. La date de l’intervention de Mme Moreau-Lalande est à placer dans ce contexte – depuis 1932, l’affaire Seznec n’a jamais fait autant les titres de la presse. La défense, sous la direction de Maître Raymond Hubert, monte au créneau pour demander une nouvelle révision. Le témoignage d’Yvonne Moreau-Lalande devient un élément essentiel du dossier car désormais, Bonny, passé par le peloton d’exécution, devient post-mortem, l’homme à abattre, une sorte de fil rouge de l’affaire. 

Il est quand même très étonnant que ce témoignage ait tenu la route jusqu’à ce jour. Comme si personne n’avait effectué la moindre vérification sur les dires de Mme Moreau-Lalande. Incompréhensible, une simple lecture des carrières militaires suffisait à douter de la sincérité du témoignage. Incompétence de la Justice, ce qui serait gravissime, ou pressions diverses afin de maintenir coûte que coûte le couvercle sur la marmite, quitte à sombrer un jour dans le ridicule ? 

Nous ne pouvons clore notre article sans évoquer quelques relations étonnantes qui montrent que sur cette affaire, nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

Mme Yvonne Moreau-Lalande est née Yvonne Chapelain de la Villeguérin. Une recherche généalogique rapide nous conduit à des relations familliales avec la famille Le Hire, de Morlaix. Deux frères de Maître Daniel Le Hire, ont convolé avec deux sœurs Chapelain de la Villeguérin, nièces de tante Yvonne. L’affaire Seznec a t-elle fait intrusion lors de rencontres familliales ? Difficile de ne pas évoquer ce qui fait la une de la presse… 

Et la cerise sur le gâteau, si l’on peut dire : je peux vous annoncer, avec 120 ans de retard, que Pierre Bonny et René Moreau-Lalande étaient frères jumeaux… enfin, presque : ils sont nés tous deux un 25 janvier 1895, dans la même ville, Bordeaux – cela crée des liens d’autant qu’ils sont donc de la même classe (1915) – en fait, personne ne l’avait dit à tante Yvonne (elle répète ses âneries lors d’une interview sur TF1, en octobre 1992) ni à la cour de Cassation, qui rejette le témoignage “nouveau”, non parce qu’il était faux, mais parce qu’il était indirect et tardif… c’est ballot, quand même… En fait, les arrêtés de la cour de Cass., il va falloir aussi en parler, car c’est loin d’être aussi limpide que certains veulent nous faire croire…

 

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