Denis Langlois reprend la main – impressions mitigées…

Impressions toutes personnelles après lecture du livre, conf. Quimper et émission de Pradel

L’Affaire Seznec est donc revenue à la Une de l’actualité – personne à ce jour ne peut ignorer l’existence d’une nouvelle hypothèse sur la disparition de Pierre Quéméner, un jour de mai 1923. Denis Langlois vient d’annoncer par un ouvrage publié il y a quelques jours, que Pierre Quéméner aurait succombé dans la maison des Seznec, à Traon Velin, à la suite d’une altercation entre lui et l’épouse de Guillaume Seznec, Marie-Jeanne. Petit-Guillaume, fils de Seznec âgé de 12 ans, aurait été témoin des faits, du moins en partie, ainsi que la servante Angèle Labigou. Cela serait connu de la famille Seznec et tu jusqu’en 1978. Cette année-là, Denis Langlois, avocat de la famille, reçoit les confidences de Bernard Le Her (frère de Denis et neveu de Petit-Guillaume), ce dernier désirant révéler le “secret de famille” afin que cela puisse servir dans le cadre d’une demande de révision. Ce sera peut-être le cas, 26 ans plus tard. Denis Langlois considère que cette dernière hypothèse sur la disparition de Quéméner est la plus vraisemblable, qu’elle cadre le mieux avec les différents éléments du dossier. C’est un point de vue, certes argumenté, qui fait débat et qui, comme j’ai pu le lire sur un forum, pose au moins autant de questions qu’il n’en résout.

J’ai une très grande estime pour Denis Langlois et il le sait. Pour autant, je reste dubitatif après l’avoir bien écouté lors de sa conférence à Quimper, après avoir refermé son ouvrage et après l’avoir entendu lors de l’émission de Jacques Pradel, sur RTL. Je pense, en fait, que les gens qui suivent de près les péripéties de cette longue affaire judiciaire ne sont plus en phase avec les professionnels de l’affaire : journalistes, écrivains, avocats, famille Seznec… Les passionnés de l’histoire souhaitent des avancées concrètes sur les points débattus depuis 1923. Pour ma part, depuis 10 ans, je revendique le droit de ne prendre parti dans cette histoire. Il s’agit pour moi d’un fait divers, si exceptionnel soit-il, à propos duquel je m’efforce, comme d’autres, d’avoir le plus d’éléments possibles, sans me soucier des conséquences éventuelles des résultats des recherches. Ce faisant, comme d’autres, je me place davantage sur le plan de la recherche historique que sur celui de la Justice. Denis Langlois est dans une position militante clairement revendiquée, il se bat pour la réhabilitation de Guillaume Seznec – considérant, à juste titre, que le doute est bien réel. Il poursuit en quelque sorte son rôle d’avocat, sans la présence encombrante de Denis Seznec. Il souhaite, dit-il, par “la paix des braves”, clore le débat sur l’innocence.

Les deux démarches ne s’opposent pas mais elles restent bien différentes. Une innocence (ou semi-innocence) de Guillaume Seznec reconnue par la Justice, mettrait un terme à l’action de Denis Langlois. En ce qui me concerne, elle ne constituerait qu’un épisode de l’histoire, certainement pas une fin. Les deux voies peuvent être complémentaires, mais ne le sont pas obligatoirement.

Vous l’aurez compris, cette nouvelle hypothèse ne reçoit pas ma totale adhésion, je ne demande qu’à être convaincu. Mais elle peut, effectivement, constituer un élément de poids pour une nouvelle demande de révision, effectuée par la Justice ou les descendants de Guillaume Seznec. En fait, ce qui me gêne dans le propos de Denis Langlois, c’est la part belle faite aux témoignages. Lui, en tant qu’avocat, plus qu’un autre, connaît la fragilité des témoignages. Celui de Petit-Guillaume, matérialisé par un enregistrement, est important pour une éventuelle réhabilitation, mais fait-il progresser la connaissance de l’affaire ? Pas sûr. Si on prend l’exemple de l’affaire Cadiou, la pléthore de témoignages contradictoires, de bonne foi, a noyé l’instruction. Je crains que sur le volet disparition de Pierre Quéméner, on soit dans une impasse et pas plus qu’en 1924, la culpabilité de Guillaume Seznec n’est évidente – en conséquence, évidemment, le doute aurait dû (ou doit) lui être accordé.

Je suis un peu peiné d’émettre quelques remarques peu complaisantes sur le livre, mais je sais qu’il ne m’en voudra pas. Depuis quelques années, nous sommes quelques-uns à avoir, très modestement, œuvré à la collecte d’informations sur cette affaire. Nous avons également mis en évidence les nombreuses erreurs écrites et proférées par Denis Seznec. C’est donc avec tristesse que je lis de nouveau plusieurs répétitions malencontreuses qui gâchent un peu le plaisir. Ainsi, le couple Seznec tient toujours une auberge à Port-Launay, la fille Marie est carmélite, le vendeur de machines à écrire Chenouard se rend chez le juge Joly suite à une convocation comme témoin dans une affaire…. Par ailleurs, les témoignages des gens du Havre sont considérés comme fiables ainsi que ceux de Vérant, Legrand, Salaün… Denis Langlois semble donner du crédit aux dollars-or… – bref, je ne peux y adhérer totalement… dommage. On me rétorquera que le style d’écriture de l’ouvrage se prête à quelques écarts avec la rigueur historique et à quelques approximations. Désolé, ce n’est pas un scoop, je ne peux m’en satisfaire.

Ces quelques lignes ne sont en rien une critique de l’action de Denis Langlois. Il a mon soutien dans sa démarche. Cela ne nous empêche en rien, les uns et les autres, de persévérer dans notre travail de fourmi, pour alimenter le dossier d’éléments concrets, peut-être anodins mais jamais futiles… Et si la recherche de la vérité peut servir à la réhabilitation de Guillaume Seznec, j’en serai le premier ravi. Au combat pour la justice, je souhaite qu’on associe pleinement celui pour la vérité.

2 thoughts on “Denis Langlois reprend la main – impressions mitigées…

  1. Juste une question : je viens de lire qqpart que Guillaume Seznec et Marie-Jeanne se parlaient en breton quasiment tout le temps.
    Petit Guillaume connaissait-il le Breton ? Où était-il interdit de le parler dans sa pension Saint-Joseph ?
    Merci de votre réponse.

  2. évidemment que Petit Guillaume connaissait le breton et c’est une faiblesse de la transcription du témoignage faite par Denis Langlois, car la scène telle qu’observée par Petit Guillaume ne pouvait entraîner que des commentaires en breton et des expressions fortes que Petit Guillaume aurait bien entendu répétés dans son témoignage pour lui donner encore plus de force et de crédibilité – manipulation ou témoignage sincère ? là aussi le doute est permis
    interdiction de parler breton à Saint-Joseph ? – je ne peux pas répondre pour cette période, mais je peux vous certifier que dans les années 1965-70, non seulement le breton était autorisé mais il était enseigné (épreuve facultative au bac)… par contre, je n’ai pas souvenance d’avoir entendu une seule conversation en breton dans les lieux

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