C.-H. Hervé par Petit-Guillaume : quand la bêtise devient indécente…

préambule : ce qui suit ne souffre d’aucune ambiguïté, or sur un certain blog, une certaine “journaliste culturelle” prolixe y trouve matière à interprétation curieuse. En aucun cas, je ne conteste à qui que ce soit d’avoir une opinion critique envers Charles-Victor Hervé et d’ailleurs je ne m’en suis jamais privé, par contre je maintiens que certains propos tenus à son sujet, par Petit-Guillaume, retranscrits par Denis Langlois, sont odieux et diffamatoires. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Ceci étant, je n’ai guère l’intention de me lancer dans une discussion vaine et stérile sur ce point avec la “romancière” sus-visée. Ecrire ces quelques lignes de mise au point me coûtent déjà beaucoup et comme dirait l’autre… j’ai déjà donné et suis définitivement vacciné.

Désolé de revenir sur la toute fin du témoignage enregistré de Petit-Guillaume, mais autant j’ai pu critiquer le juge Hervé dans sa défense rocambolesque de Guillaume Seznec, autant il m’est difficile de laisser passer les affirmations odieuses de Petit-Guillaume à son encontre sans réagir en donnant quelques éléments d’informations. En fait, la vérité de Petit-Guillaume est insaisissable tant elle est contredite par les faits. Qu’elle soit répétée, réinterprétée par ses enfants ne change rien à l’affaire. On a là un témoignage isolé peu fiable et donc contestable.

Venons donc au sujet qui fâche, c’est-à-dire la diatribe sur le juge Hervé qui à ce jour, me semble t-il, n’a ému personne. Tous les auteurs sans exception depuis les années 1930, nous l’ont présenté comme responsable du contre-espionnage durant la grande guerre, sauf erreur de ma part on attend toujours le premier document allant en ce sens. Petit-Guillaume ne se contente pas d’une nième répétition du postulat, il nous dit :

“Le juge Hervé ? C’était une fripouille et un dingue. Il m’a raconté ce qu’il faisait pendant la guerre. Il faisait partie du 2e bureau. Il m’a dit comment il martyrisait les types, comment il les tuait et il disait : “Ils étaient innocents autant que n’importe qui, ça ne fait rien, on s’amusait avec…” Et lui, il était convaincu de la culpabilité de mon père. Il l’a dit à ton père, à Le Her. Il lui a dit : “On n’a qu’à me laisser  Seznec pendant un quart d’heure, je le ferai avouer.”

Petit-Guillaume, visiblement, n’a pas été informé qu’au retour de Guillaume Seznec en Bretagne en 1947, Hervé a eu l’occasion de le recevoir  dans son manoir de Kerjoly, accompagné de Mme Bosser, et ce plus d’un quart d’heure. On peut les voir dans une vidéo de l’INA. Personne parmi  les commentateurs zélés n’a trouvé utile de relever ce passage qui en dit long sur les dires “vrais” de Petit-Guillaume. Mais là n’est pas l’essentiel, il y a pire.

On peut s’étonner que la famille de Charles-Victor Hervé n’ait pas réagi aux calomnies déversées sur lui. Aucune réaction non plus à cette idée répandue qu’il aurait été responsable du contre-espionnage pendant la guerre. D’où vient ce fake news et à quel dessein ? Mystère. Toujours est-il que démentir cette fausse information était aisé, mais c’était probablement ouvrir une brèche dans un passé personnel et familial très douloureux, trop douloureux sans doute.

Prenons les choses dans l’ordre. Charles-Victor Hervé naît à Pluzunet (Côtes d’Armor)  le 31 août 1892, ses parents sont tous deux instituteurs. Le jeune Hervé, boursier départemental, entre en apprentissage, il sera mécanicien dans la marine. Le 19 novembre 1908, à 16 ans, il est engagé volontaire à la mairie de Lorient, il est renvoyé dans ses foyers le 31 octobre 1909, réformé pour tuberculose pulmonaire. A cela, vient s’ajouter la perte partielle de la mobilité d’un bras, due à un accident d’atelier. A la mobilisation de 1914, il est incorporé le 18 septembre et, la même cause produisant le même effet, il est réformé le 18 décembre 1914 par la commission de réforme de Vitré. Charles-Victor Hervé, le “preux” selon un bon mot supposé de Clémenceau et répété à l’envie, a effectué en tout et pour tout 3 mois de service militaire contre l’Allemagne. Et à ce jour, Denis Seznec et d’autres répètent inlassablement qu’il a des états de services longs comme le bras dans le service du contre-espionnage. Cherchez l’erreur.

Faire carrière dans la marine était le souhait du jeune Charles-Victor, celle-ci ne voulant pas de lui, il devra se satisfaire d’un poste d’employé de bureau à la mairie de Vitré. Le 7 septembre 1915, il se marie à Saint-Brieuc avec Jeanne Joséphine Marie Monfort. La demoiselle naît à Kermoroc’h en 1886, son père y est notaire. Elle n’a que 10 ans lorsqu’un drame vient endeuiller la famille. Sa mère est assassinée sur la route près du village, à 10 heures du matin, le 26 novembre 1896. Une somme d’argent (100 francs) qu’elle avait sur elle lui a été dérobé. Les enquêteurs peinent à mettre la main sur l’auteur du crime, un individu est suspecté mais mis hors de cause après 6 mois de prison. En 1904, le coupable est finalement arrêté, après des aveux à un compagnon de cellule. Ilien, tenancier d’un bar-épicerie à Kermoroc’h, avait suivi Mle Montfort venue demander de la monnaie dans son commerce, il commit son méfait afin de lui subtiliser 50 francs qui correspondaient au montant que lui réclamait maître Montfort pour une affaire en cours. La cour d’Assise condamne l’assassin Ilien à la peine capitale, la cour de Cassation entérine le verdict. Une grâce présidentielle commue la peine aux travaux forcés à perpétuité. Il décède à Cayenne en 1905.

Mle Montfort perd son père en octobre 1913. Maître Montfort était également conseiller général du canton de Bégard. Revenons au mariage de Charles Victor Hervé et de la demoiselle Monfort. La fête (s’il y eut fête) fut de courte durée. Quelques jours après la célébration, Charles Victor apprend le décès de son frère sur le front. Charles Marie est tué au combat à Vienne-le-Château, le 7 septembre 1915, c’est-à-dire le jour du mariage de son frère avec Mle Montfort

Charles Victor Hervé revoit ses ambitions professionnelles, il change de fusil d’épaule et s’oriente vers des études de droit. Sa capacité en droit en poche, il débute en 1919 une carrière dans la magistrature : nommé juge de paix (Pontrieux), puis juge d’instruction (Guingamp). Après diverses péripéties qui ont marqué le tribunal de Guingamp (notamment affaire Loth-Valoris), il démissionne de sa fonction, un peu contraint, en août 1930. Il connaît alors une période perturbée, voire agitée. Il s’en prend à son ancienne administration dans un livre-pamphlet, il s’investit entièrement dans la défense de Guillaume Seznec, y perdant parfois pied. Cette période d’activité débridée et dense n’en est pas moins confuse et il faut, au couple Hervé, affronter d’autres difficultés familiales.

En 1913, après le décès de Félix Monfort, beau-père de Charles Hervé, l’étude notariale est reprise par Jean-Guillaume Le Nir, originaire de Briec (Finistère). Son fils, Jean-Yves, lui succède en 1921. Ce dernier, né le 17 juillet 1893, épouse le 24 avril 1920, Yvonne Marie Madeleine Montfort, devenant de ce fait beau-frère de Charles Victor Hervé. Détail d’importance : Jean-Yves Le Nir a un frère jumeau, Guillaume Corentin Marie. Celui-ci, est tué sur le front le 4 septembre 1916, (à Belloy-en-Santerre). Cette mort brutale est très mal vécue par le frère survivant. Sa santé en pâtit, il soigne épisodiquement ses tourments par l’alcool et fait subir à ses proches ses sautes d’humeur.  De mal en pis, cela se termine dramatiquement en 1932. Lors d’une longue scène d’excès et de violence, il tue sa femme, puis retourne son fusil de chasse sur lui, laissant trois orphelins de 3, 7 et 9 ans, dont Charles-Victor Hervé deviendra le tuteur.

Nous sommes à ce moment dans la procédure juridique qui oppose la famille Quéméner au journal La Province. A la dernière audience, Hervé, à l’origine du conflit, se fera remarquer par son absence. Le gérant du titre de presse paiera cette désinvolture, il sera lourdement sanctionné.

En une trentaine d’années, l’épouse de Charles-Victor Hervé perdait sa mère (assassinée), son père, deux beaux-frères (guerre 14-18), une soeur (meurtre), un beau-frère (suicide)… de quoi infléchir sensiblement l’ambiance familiale. Hervé s’est suffisamment empêtré et parfois fourvoyé dans la défense de Guillaume Seznec, qu’il n’est peut-être pas utile de charger la barque en racontant sur lui tout et n’importe quoi et d’user de la calomnie pour le discréditer.

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